Depuis 2014, la France dispose d’une cellule de data mining dédiée au « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes », dont les travaux ont essentiellement porté sur la détection de la fraude en matière de TVA. Un arrêté du 28 août 2017 étend la compétence de cette cellule aux particuliers, à titre expérimental et pour une période de deux ans. Cette évolution démontre l’intérêt croissant de l’administration fiscale pour les données massives issues des systèmes d’information, qu’elle n’hésite plus à utiliser pour mieux cibler ses contrôles fiscaux. De telles pratiques constituent un nouveau défi pour les entreprises qui doivent désormais penser à intégrer dans leurs stratégies fiscales, et en particulier en matière de TVA, la collecte, la gestion et l’exploitation des multiples données qui les concernent.
Une extension récente du datamining en matière de contrôle fiscal
Dans un contexte de lutte contre la fraude et d’une recherche accrue de la transparence financière et fiscale des entreprises, les gouvernements et autorités fiscales se dotent aujourd'hui de systèmes et outils d’analyse massive de données afin de conduire leur audit, et réconcilier les informations financières et fiscales (Big Data – Data mining).
En France, à l’instar de ses voisins européens (Belgique et Italie par exemple), l’administration fiscale (au travers de la DGFiP et la DNEF) a créé en 2014 une cellule de data mining de « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » afin de gagner en efficacité dans le repérage et la détection des comportements frauduleux [Arrêtés des 21 février 2014 (JO n° 25) et 16 juillet 2015 portant création par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (JO n° 55)].
Les travaux de cette cellule ont essentiellement porté sur la détection de cas de fraude en matière de TVA et tout particulièrement en ce qui concerne les remboursements indus de crédits de TVA.
Par un nouvel arrêté du 28 août 2017 publié le 14 novembre dernier au journal officiel (JO n°0265), ce traitement automatisé dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » qui ne visait à ce jour que les contribuables professionnels, est désormais étendu aux particuliers, à titre expérimental pendant deux ans.
Validée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qui a donné son aval dans sa délibération du 20 juillet 2017, ce texte autorise Bercy à modéliser des comportements frauduleux en croisant de nombreuses données personnelles provenant d’administrations étrangères et des « bases privées » pourront être exploitées (données/informations fiscales, bancaires ou encore patrimoniales, etc.).
Les entreprises doivent anticiper cette nouvelle approche, particulièrement en matière de TVA
Bien que cet arrêté ne concerne pas directement les entreprises, il dénote une volonté claire et affirmée de l’administration fiscale de traquer les cas de fraude et d’une façon plus large de disposer et d’exploiter une base de données concernant chaque opérateur économique.
Cette approche fondée sur la collecte et le croisement des données de source différente devrait également constituer à moyen terme une source d'information préalable permettant aux services de vérifications de mieux préparer et cibler les contrôles fiscaux.
Ainsi, ces nouvelles modalités de contrôles obligent les entreprises à faire évoluer leurs priorités dans la mise en œuvre de leur gouvernance fiscale et la gestion du risque fiscal et « réputationel » qui en découle.
Le « data mining » et la maîtrise des bases de données de toute nature concernant l’entreprise deviennent la clé d’une gestion efficace et maîtrisée de la fiscalité directe et indirecte (TVA/Douanes).
La multiplicité des données désormais accessibles par les différentes administrations, la quantité des données gérées dans l’entreprise et mais aussi par les acteurs externes ainsi que la qualité variable des informations disponibles rendent difficiles l'anticipation par les entreprises de leur risque fiscal et l’exploitation de ces données pour améliorer leur gouvernance fiscale.
Ce constat et l'évolution engagée par les administrations fiscales doivent inciter les Directions Financières et Fiscales à intégrer dans leurs stratégies fiscales - et en particulier en matière de TVA - la collecte, la gestion et l’exploitation des données (« data base ») afin de répondre à ces nouveaux défis.
Cette approche implique pour l’entreprise de faire un état des lieux de ses données et des enjeux associés afin d’évaluer ses besoins tant en terme de transformation de l’organisation interne (circuits de la donnée, identification des personnels clefs, stockage de la donnée, etc.) que la mise en œuvre de solutions technologiques devant aider au data mining.
Par José MANUEL MORENO, Avocat Associé PwC Société d'Avocats et Laurent POIGT, Avocat Directeur PwC Société d'Avocats
José MANUEL MORENO, Avocat Associé PwC Société d'Avocats
Laurent POIGT, Avocat Directeur PwC Société d'Avocats