Fondamentalement, l’incidence d’une entreprise sur la société est triple : économique, sociale et environnementale. Pour sensibiliser au sujet de la RSE, le projet de loi Pacte institue la prise en considération «des enjeux sociaux et environnementaux » dans l’objet même de l’entreprise (article 1833 du Code civil). Pour autant, pour l’heure, il n’est pas prévu d’opérer un traitement fiscal différencié en fonction des comportements des entreprises, à l’échelle nationale comme internationale. Dès lors, dans quelle mesure la discipline fiscale s’inscrit-elle dans une démarche de responsabilité sociétale ?
La dimension économique de l’impôt
Ainsi que l’a relevé l’OCDE dès 2010, le paiement de l’impôt – en ce qu’il constitue un moyen pour l’entreprise de contribuer à la prospérité et à la stabilité d’un Etat – est un élément clé de la responsabilité des entreprises.
Pour prendre la mesure des recettes permettant aux pouvoirs publics de servir leurs objectifs socio-économiques, gardons à l’esprit que les impôts des entreprises ne se limitent pas aux prélèvements sur les bénéfices. Ils englobent les charges patronales, les taxes foncières, les taxes environnementales…
La transparence et la coopération fiscales
La récession ainsi que les affaires médiatisées d’évasion fiscale ont accru la défiance du public à l’égard des entreprises et renforcé l’intérêt pour leur transparence fiscale. La fiscalité est donc devenue un enjeu stratégique par son impact sur la réputation d’une firme.
Dès 2016, de nouvelles obligations transnationales ont été mises en place engageant les grands groupes internationaux à indiquer la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et fournissant diverses informations sur la localisation et l'activité de ses entités. Ce « Country by Country Reporting » (CBCR), complété par une coopération accrue entre les administrations fiscales, s'inscrit dans le cadre du programme de lutte contre l'évasion fiscale et la concurrence fiscale dommageable entre les Etats membres.
Par ailleurs, en France, le législateur a adopté en août 2018 la loi ESSOC (loi 2018-727 pour un Etat au service d'une société de confiance) dont l’ambition est d’instaurer une relation de confiance entre les contribuables et l'administration. A titre d’exemples, citons la création d’un droit à régularisation en cas d’erreur et d’un droit au contrôle à la demande du contribuable, la réduction des intérêts de retard en cas de rectification spontanée, l’extension du champ d’application des régularisations en cours de contrôle.
A n’en pas douter, l’outil numérique sert de plus en plus cet objectif de transparence. Dans une démarche participative, l’administration a ouvert une plateforme de consultation publique dans le but de recueillir les suggestions des entreprises.
En outre, la loi relative à la lutte contre la fraude adoptée en octobre 2018 a instauré un mécanisme de publication en ligne du nom des contribuables ayant subi des pénalités pour abus de droit ou manœuvres frauduleuses ; ce procédé est connu sous le nom de « name and shame ».
La fiscalité verte et éthique
Outil incitatif ou répressif, la fiscalité permet depuis longtemps d’orienter le comportement des acteurs économiques.
Incitative, elle peut prendre la forme d’amortissements fiscaux sur les véhicules en fonction de leur taux d’émission de CO2, de réductions d’impôts pour mise à disposition de vélos pour les employés ou de crédits d’impôts pour la transition énergétique (CITE). En recourant au dispositif du mécénat (voir La Quotidienne 27-9-2018, La RSE en actions) dans des secteurs d'intérêt général compatibles, l'entreprise est non seulement en phase avec l'objectif de la RSE, mais bénéficie aussi d'un allègement économique. Même si la dépense n’est pas déductible de son résultat imposable à l'IS, elle ouvre droit – dans la limite en base de 5 pour mille du CA – à une réduction d’impôt de 60 %.
Quant à la fiscalité écologique à proprement parler, elle comprend l’ensemble des impôts, taxes et redevances liés à un polluant ou un service qui détériore l’environnement (réchauffement climatique, pollutions, consommation de ressources rares…). En plus de produire des recettes budgétaires – allouées en partie au financement de politiques publiques environnementales – cette fiscalité verte représente le moyen de modifier le comportement des sociétés conformément au principe du « pollueur-payeur ».
Stéphanie NEMARQ-ATTIAS, avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
Sur la RSE, voir également notre vidéo série :
LA RSE EN ACTIONS : LA FONDATION SAGE
LA RSE EN ACTIONS : LE FINANCEMENT RESPONSABLE