Trois arrêts rendus le même jour par la Cour de cassation, tous promis à une publication au Bulletin, permettent de mieux cerner les contenus, mais aussi les limites, de l’obligation de conseil du notaire rédacteur d’actes.
I. Dans la première affaire, les Hauts Magistrats relèvent que le notaire qui instrumente un acte de vente n’est tenu d’aucun devoir d’information et de conseil envers les tiers dont il n’a pas à protéger les intérêts et qui ne disposent pas d’un droit opposable aux parties. Au cas particulier, le vendeur d’un immeuble avait donné mandat au notaire chargé de recevoir l’acte de virer une certaine somme à valoir sur le prix de vente au profit d’une banque. Le notaire avait par la suite confirmé à la banque, par courrier, cet ordre de virement. Mais le jour de la signature de l’acte authentique, le vendeur signifie au notaire une lettre révoquant le mandat de virement et lui demandant de tenir la totalité du prix à sa disposition. Le notaire s’exécute, ce qui lui vaut une condamnation en appel à indemniser la banque. Cassation au visa du principe énoncé.
II. Comme en témoigne la deuxième affaire, l’obligation de conseil du notaire retrouve en revanche toute sa vigueur à l’égard des parties. La cour d’appel avait rejeté l’action en responsabilité d’un vendeur en viager contre le notaire ayant reçu la vente, auquel il était reproché de ne pas avoir conseillé la mention d’un bouquet en plus de la rente. Motif : la possibilité de stipuler un bouquet est connue de tous ; le notaire avait pu légitimement considérer que les parties en avaient discuté et avaient décidé de l’écarter, les modalités de la vente étant leur affaire. Censure de la Cour de cassation : la cour d’appel s’est prononcée par des motifs impropres à écarter le manquement du notaire à son devoir de conseil.
III. C’est encore une vente d’immeuble qui se trouve au cœur de la troisième affaire. L’acquéreur d’un logement loué à un tiers obtient la nullité de la vente pour erreur sur une qualité essentielle de la chose vendue : la possibilité de louer. Le bien s’avérant d’une superficie inférieure à 9 m², il ne remplissait pas les conditions du logement décent, de sorte que l’acquéreur avait été mis en demeure par le service communal d’hygiène et de santé de mettre un terme à toute location. En raison de la nullité, le vendeur obtient en appel la condamnation du notaire à le garantir du remboursement du prix de vente pour manquement à son obligation de conseil. Là encore, l’arrêt est cassé. En cas d’annulation de la vente, la restitution du prix perçu à laquelle le vendeur est condamné, en contrepartie de la restitution de la chose par l’acquéreur, ne constitue pas un préjudice indemnisable.
A noter : la solution retenue dans la première affaire n’est pas totalement nouvelle, les Hauts Magistrats ayant déjà eu l’occasion d’affirmer que « le notaire n'est pas tenu d'un devoir de conseil envers ceux qui restent tiers par rapport aux actes auxquels il intervient » (Cass. 1e civ. 28-3-2000 n° 97-20.169 : Bull. civ. I n° 104 ; voir également Cass. 1e civ. 16-5-2012 n° 11-15.269 F-D : Sol. Not. 7/12 inf. 203). En réalité, les circonstances de fait sont déterminantes et le notaire peut voir sa responsabilité retenue, notamment s’il a connaissance de l'existence d'un tiers intéressé à l'acte (ainsi pour un pacte de préférence, Cass. 1e civ. 11-7-2006 n° 03-18.528 FS-PB : RJDA 12/06 n° 1211). D’où la restriction formulée dans la décision rapportée, qui ne dispense le notaire de son devoir de conseil qu’à l’égard des tiers « qui ne disposent pas d’un droit opposable aux parties. »
Emmanuel de LOTH
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