Une société acquiert un immeuble en vue de le vendre à la découpe en offrant des produits immobiliers défiscalisés. Un notaire établit l’état descriptif de division et le règlement de copropriété de l’immeuble. Il rédige également les actes de vente des lots aux investisseurs et les statuts de l’association syndicale libre (ASL) qui confie à une société la réalisation des travaux de restauration. Les appels de fonds sont versés par les investisseurs sur un compte ouvert au nom de l’ASL par l’étude du notaire. Mais la société est placée en liquidation judiciaire. Alors que les deux tiers des fonds destinés aux travaux sont déjà versés, seuls les travaux de démolition sont réalisés et les travaux de restauration à peine commencés. Les investisseurs font ensuite l’objet de redressements fiscaux au motif que les sommes versées par eux ne correspondent à des travaux que pour partie, qui seule pouvait les faire bénéficier de déductions fiscales. Ils réclament une indemnisation à l’encontre de la SCP du notaire (et son assureur) pour manquement à son devoir de conseil. Ils reprochent aussi à l’officier public d’avoir commis une faute en se départissant des fonds en vertu des instructions données par le directeur de l’ASL, sans avoir vérifié la feuille d’émargement de l’AG de nature à faire apparaître l’irrégularité de la désignation.
La cour d’appel rejette la demande des acheteurs. Leur objectif était d’obtenir un investissement défiscalisé permettant la déduction du coût des travaux engagés de l’impôt sur leur revenu ; ils ne pouvaient donc pas ignorer que la réalisation effective des travaux était une condition des déductions fiscales. Et il n’appartenait pas au notaire de solliciter la feuille d’émargement de l’AG pour vérifier la conformité du procès-verbal, dont il n’était apparu que bien plus tard qu’il contenait des indications erronées, étant rappelé que les dispositions de la loi du 21 juin 1865 relatives à la désignation du directeur d’une ASL ne sont pas d’ordre public.
La Cour de cassation confirme en tous points.
A noter : Au regard de la responsabilité notariale, cet arrêt présente un double intérêt.
S’agissant de la preuve, les juges du fond peuvent considérer que les acquéreurs savaient que la réalisation effective des travaux était une condition des déductions fiscales, dès lors que leur objectif était d’obtenir un investissement défiscalisé.
S’agissant de l’étendue des obligations notariales, la présente décision est conforme au principe selon lequel :
- le notaire, recevant un acte en l'état de déclarations erronées d'une partie quant aux faits rapportés, n'engage sa responsabilité que s'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude (voir par exemple Cass. 1e civ. 16-10-2013 n° 12-24.267 F-D : AJDI 2014 p. 58 note S. Porcheron). Dans le cas d’espèce étudié, il est bien relevé que le procès-verbal n’était pas contesté et que les irrégularités qu’il contient ne sont apparues que postérieurement à l’intervention du notaire ;
- le notaire doit toutefois vérifier les déclarations faites par les parties, qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte (voir par exemple Cass. com. 19-12-2018 n° 17-13.647 F-D). Dans le cas d’espèce commenté, il est bien relevé que les dispositions de la loi du 21 juin 1865 relatives à la désignation du directeur d’une ASL qui n’ont pas été respectées ne sont pas d’ordre public.
Cécile BIGUENET-MAUREL, Docteur en droit
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento vente immobilière n° 70650