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La garantie d’emploi conventionnelle du salarié malade n’empêche pas tout licenciement

Un salarié en arrêt de travail pour maladie peut être licencié pour insuffisance professionnelle si la garantie d’emploi conventionnelle applicable limite son champ d’application au licenciement motivé par les perturbations causées dans le fonctionnement de l’entreprise par l’absence pour maladie.

Cass. soc. 8-2-2023 n° 21-16.805 FS-B, Sté BBGR c/ H.


Par Valérie DUBOIS
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©Gettyimages

Certaines conventions collectives comportent des clauses dites « de garantie d'emploi », interdisant à l'employeur de licencier le salarié malade pendant une période donnée même si son absence perturbe l'entreprise. Le licenciement prononcé en violation d'une telle garantie est abusif (Cass. soc. 18-11-1997 n° 95-43.395 P ; Cass. soc. 18-12-2019 n° 18-18.864 FS-PB). Toutefois, sauf mention contraire de la convention, la clause de garantie d'emploi ne fait pas obstacle à un licenciement pour inaptitude physique constatée par le médecin du travail (Cass. soc. 30-5-2007 n° 06-40.670 FS-D), pour motif économique (Cass. soc. 10-3-2010 n° 08-70.405 FS-PB) ou disciplinaire (Cass. soc. 14-10-2009 n° 07-44.834 FS-PB ).

A noter :

Les clauses de garantie d'emploi du salarié malade ne doivent pas être confondues avec les clauses contractuelles de garantie d'emploi ou avec les clauses conventionnelles restreignant les motifs de licenciement. Elles doivent également être distinguées des clauses conventionnelles relatives à l'indemnisation de la période d'absence pour maladie (Cass. soc. 16-3-1994 n° 88-41.394 P).

L’article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 institue une garantie d’emploi du salarié malade pendant toute sa durée d’indemnisation à plein tarif. Le licenciement est possible ensuite en cas de nécessité de remplacer le salarié dont l’absence pour maladie perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise. La convention collective prévoit en outre que, « au cours de l’absence de l’ingénieur ou cadre pour maladie ou accident, l’employeur peut rompre le contrat de travail en cas de licenciement collectif ou de suppression de poste, à charge pour lui de lui verser l’indemnité de préavis, en tenant compte des dispositions des alinéas 4 et 5 de l’article 16, et de régler l’indemnité de congédiement, le cas échéant ».

A noter :

On relèvera que la garantie d’emploi conventionnelle inscrite dans la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 n’est pas reprise dans la convention collective nationale unique de la métallurgie du 7 février 2022 qui annule et remplace la première convention et sera applicable à compter du 1er janvier 2024.

Le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un salarié en arrêt maladie…

En l’espèce, un cadre commercial soumis à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie est licencié pour insuffisance professionnelle alors qu’il est en arrêt de travail. Il saisit la juridiction prud’homale afin que la rupture de son contrat de travail soit jugée sans cause réelle et sérieuse.

Pour faire droit à sa demande, la cour d’appel retient que les dispositions de la convention collective instituent une véritable garantie d’emploi en réservant la possibilité de licencier aux seuls cas justifiés par un motif économique si le licenciement est collectif, ou par la suppression du poste occupé par le salarié malade, ou encore par la nécessité de procéder au remplacement du salarié absent à l’expiration de la durée d’indemnisation à plein tarif. Dès lors, puisque le salarié n’a pas été licencié pour l’un de ces trois motifs, ni même pour un motif disciplinaire ou pour inaptitude physique, mais pour insuffisance professionnelle, le licenciement a, selon les juges du fond, été prononcé en violation d’une garantie conventionnelle d’emploi et est abusif.

L’employeur se pourvoit en cassation, soutenant à l’inverse que les dispositions conventionnelles ne lui interdisaient pas de licencier le salarié pour insuffisance professionnelle, pendant la suspension de son contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle.

La question posée à la Cour de cassation était donc celle de savoir si le salarié en arrêt de travail pour cause de maladie pouvait ou non être licencié pour insuffisance professionnelle au regard de la rédaction de l’article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

… est possible, sauf mention contraire de la convention collective applicable

La Haute Juridiction répond positivement à cette question et censure la décision de la cour d’appel. Elle rappelle tout d’abord les règles d’interprétation des accords collectifs qu’elle a posées dans de précédentes décisions : une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte (Cass. soc. 25-3-2020 n° 18-12.467 FS-PB ; Cass. soc. 8-6-2022 n° 20-20.100 FS-B).

Appliquant cette méthode, la Cour considère que les dispositions conventionnelles visées ci-dessus n’interdisent pas le licenciement du salarié pendant la suspension de son contrat de travail pour maladie pour d’autres causes que la maladie, la garantie d’emploi pour une durée déterminée n’étant prévue que pour le licenciement à la suite d’une absence pour maladie et nécessité de remplacement. Elles prévoient en outre les conditions de l’attribution de l’indemnité de préavis en l’étendant pour certains licenciements spécifiques. Par conséquent, l’employeur n’était pas tenu par la garantie d’emploi conventionnelle et pouvait librement licencier le salarié pour insuffisance professionnelle.

A noter :

La Cour de cassation fait ici une application stricte des dispositions conventionnelles qui n’interdisent nullement le licenciement pour insuffisance professionnelle du salarié malade. Elle a, en revanche, jugé dans une affaire précédente où il était question de l’interprétation des dispositions de la convention collective nationale des services de l’automobile que les partenaires sociaux rédacteurs de celle-ci ayant aligné les conditions de licenciement du salarié en arrêt de travail pour maladie sur celles légales du licenciement du salarié en arrêt de travail pour maladie professionnelle, l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l’accident ou à la maladie ne pouvait résulter que de circonstances indépendantes du comportement du salarié. Dès lors, l’employeur ne pouvait pas, pendant cette période de suspension, procéder au licenciement de ce dernier pour insuffisance professionnelle (Cass. soc. 27-3-2019 n° 17-27.047 FS-PB).

Documents et liens associés

Cass. soc. 8-2-2023 n° 21-16.805 FS-B, Sté BBGR c/ H.

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