Lorsque le greffier du tribunal de commerce mentionne au registre du commerce et des sociétés (RCS) la cessation d'activité d'une personne (physique ou morale) immatriculée, il peut radier d'office cette personne si elle n'a pas régularisé sa situation (C. com. art. R 123-136).
Cette mesure, appliquée à une SARL, met-elle fin aux fonctions de son gérant qui, on le rappelle, est nommé, en l’absence de dispositions statutaires, pour la durée de la société (C. com. art. L 223-18, al. 3) ?
Non, vient de répondre pour la première fois la Cour de cassation : la radiation d’office d’une SARL n’a pas pour effet de mettre fin aux fonctions de son gérant.
La Cour a appliqué ce principe au cas suivant : à la suite d’un procès qu’elle avait gagné devant le tribunal de commerce, une SARL radiée d’office en application de l’article R 123-136 précité avait été destinataire du jugement condamnant son adversaire ; celui-ci ayant fait appel plus d’un mois après la signification du jugement à la société, cette dernière avait soulevé l’irrecevabilité de l’appel, qui était tardif.
Une cour d’appel avait cependant écarté cet argument en retenant que la radiation d’office de la SARL avait mis fin aux fonctions du gérant et relevé que, même si elle conservait la personnalité morale, cette société était dépourvue de représentant légal lors de la délivrance du jugement, si bien que cet acte n’avait pas pu faire courir le délai d’appel.
La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel pour violation du principe ci-dessus.
A noter : En principe, le délai d’appel (comme celui des autres voies de recours) court à compter de la notification du jugement (CPC art. 528, al. 1). Encore faut-il que la notification soit régulière, c'est-à-dire délivrée dans les formes requises (par exemple, par voie de signification pour un jugement) et à une partie qui ait la capacité de recevoir l'acte, ce qui suppose, dans le cas d’une société, que celle-ci dispose d’un représentant légal.
Tel était bien le cas en l’espèce, estime la Cour de cassation par la décision ci-dessus, qui vaut pour toute société. En effet, la radiation d’office du RCS est une mesure de police qui ne peut en aucun cas remettre en cause la poursuite des fonctions du ou des dirigeants sociaux en place, l’expiration de leurs fonctions ne pouvant intervenir que dans les cas prévus par la loi ou les statuts. Cette mesure n’est d’ailleurs pas irrévocable : la société peut demander au greffier de la rapporter si elle démontre avoir régularisé sa situation (C. com. art. R 123-138).
La radiation d’office ne met pas non plus fin à la société. Seule la dissolution peut produire cet effet. Dans ce cas, si aucun liquidateur n’est désigné, la société se trouve sans représentant légal (la dissolution ayant mis fin aux fonctions des dirigeants ; cf. Cass. com. 29-1-2020 n° 18-17.131 F-D : BRDA 5/20 inf. 1) et un jugement ne peut alors pas lui être valablement signifié.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales nos 12400, 31130 et 86034