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La gestion des biens des mineurs « simplifiée » !

Depuis le 1er janvier, les parents exerçant seul ou en commun l’autorité parentale sont soumis à un régime unique d’administration légale. Grand bénéficiaire de cette réforme, non sans dangers, le parent exerçant seul n’a plus à solliciter le juge pour accomplir la plupart des actes de disposition.


1. Conformément à la loi de simplification du droit du 16 février 2015 (Loi 2015-177 : JO 17 p. 2961 ; BDP 4/15 inf. 125), l’ordonnance du 15 octobre 2015 (Ord.  2015-1288 : JO 16 p. 19304) supprime les régimes d’administration légale sous contrôle judiciaire et d’administration légale pure et simple au profit d’un régime unique d’administration légale. Elle recentre le contrôle du juge sur les situations considérées comme étant les plus à risque.

Cette suppression entraîne une restructuration complète des textes applicables. L’ensemble (ou presque) est transféré dans le chapitre consacré à l’autorité parentale relative aux biens de l’enfant aux articles 382 à 387-6 du Code civil.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016. Elles s’appliquent aux administrations légales en cours.

L’administration légale

2. L’administration légale permet aux parents d’administrer les biens de leurs enfants mineurs et de bénéficier des revenus de ces biens. C’est un attribut de l’autorité parentale.

Avant le 1er janvier 2016, l’administration était dite « pure et simple » lorsque les deux parents exerçaient en commun l’autorité parentale. Elle était en revanche soumise au contrôle du juge en cas de décès de l’un des parents ou si l’un d’eux se trouvait privé de l’autorité parentale ; elle l’était également en cas d’exercice unilatéral de l’autorité parentale.

Dorénavant, il n’existe plus qu’un seul régime : celui de l’administration légale. Si l’autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, chacun d’entre eux est administrateur légal. Dans les autres cas, l’administration légale appartient à celui des parents qui exerce l’autorité parentale (C. civ. art. 382 nouveau).

Actes d’administration

3. En présence des deux parents, l’administration est en principe exercée en commun. Toutefois, afin de sécuriser les opérations effectuées par les parents, chacun d’eux est réputé à l’égard des tiers avoir reçu de l’autre parent le pouvoir de faire seul les actes d’administration portant sur les biens de ses enfants (C. civ. art. 382-1 nouveau). Sont concernés les actes visés par le décret 2008-1484 du 22 décembre 2008 (C. civ. art. 496 par renvoi de C. civ. art. 382-1 nouveau). Le renvoi à ce texte soulève des difficultés d’interprétation. Le décret vise, au premier chef, la gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle. Or, certaines opérations qualifiées, sous ces régimes de protection, d’actes de disposition en raison d’impératifs propres à la protection des majeurs ne revêtent pas nécessairement cette qualification dans le cadre de l’administration légale. Il en est ainsi, par exemple, de l’ouverture d’un compte bancaire, tel qu’un compte de dépôt à retraits limités, un PEL ou un livret A, laquelle devrait s’analyser comme un acte d’administration malgré la qualification d’acte de disposition retenue par l’annexe 1 du décret.

4. Bien que plus aucun texte ne le précise expressément, le parent exerçant seul l’administration légale peut accomplir seul les actes d’administration.

Actes de disposition

5. Sauf exceptions (voir nos 9, 10 et 14), les administrateurs légaux agissant en commun et, ce qui est nouveau, l’administrateur exerçant seul l’autorité parentale peuvent accomplir les actes de disposition sans solliciter l’autorisation du juge des tutelles.

Nomination d’un administrateur ad hoc

6. Lorsque les intérêts de l’administrateur légal sont en opposition avec ceux du mineur, le juge désigne un administrateur ad hoc chargé de représenter le mineur.

L’ordonnance simplifie les règles applicables.

Dorénavant, lorsque les intérêts du mineur sont en opposition avec ceux d’un seul de ses administrateurs légaux, le juge des tutelles peut autoriser l’autre administrateur à représenter son enfant pour un ou plusieurs actes déterminés (C. civ. art. 383 nouveau, al. 2).

Sans changement, la demande de nomination d’un administrateur ad hoc doit en principe émaner de l’administrateur légal. A défaut, le juge est saisi par le ministère public ou par le mineur. Il peut également se saisir d’office (C. civ. art. 383 nouveau).

Lorsque l’opposition d’intérêts apparaît au cours d’une procédure, le juge saisi de l’instance peut désigner un administrateur ad hoc si le juge des tutelles n’y a pas procédé (C. civ. art. 388-2 modifié).

Biens exclus des administrations légales

7. La possibilité de donner ou léguer des biens à un mineur sous la condition expresse qu’ils ne soient pas soumis à l’administration légale et qu’ils soient administrés par un tiers est maintenue. Ce tiers a pour mission d’administrer les biens de l’enfant dans les conditions prévues par la donation ou le testament. Il peut donc recevoir des pouvoirs plus larges que ceux des administrateurs légaux. Il peut, par exemple, être autorisé à vendre un immeuble ou à apporter en société le fonds de commerce légué sans avoir à solliciter le juge des tutelles. A défaut de précision, le tiers a les pouvoirs d’un administrateur légal.

L’ordonnance innove en permettant au juge des tutelles de nommer un administrateur ad hoc si l’administrateur désigné refuse la mission confiée par le testateur ou le donateur ou s’il ne remplit pas les conditions pour exercer les charges tutélaires (C. civ. art. 384 nouveau, al. 3 et sur renvoi C. civ. art. 395 et 396).

Responsabilité des administrateurs légaux

8. Comme auparavant, les administrateurs doivent apporter à la gestion des biens de leur enfant mineur des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de l’enfant. Une faute quelconque engage leur responsabilité.

Si l'administration légale est exercée en commun, les deux parents sont solidairement responsables (C. civ. art. 385 et 386 nouveaux).

L’intervention du juge des tutelles

Actes soumis à l’autorisation du juge des tutelles.

9. Certains actes de disposition particulièrement graves nécessitent toujours l’autorisation du juge des tutelles. Ainsi, comme avant le 1er janvier 2016, les administrateurs légaux doivent solliciter le juge pour vendre de gré à gré ou apporter en société un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur, pour contracter un emprunt en son nom ou pour renoncer à l’un de ses droits (C. civ. art. 387-1 nouveau).

Le nouvel article 387-1 du Code civil ajoute à la liste des actes devant toujours être autorisés :

  • - la conclusion d’une transaction au nom du mineur (que la Cour de cassation avait déjà soumise à l’autorisation du juge des tutelles par son arrêt du 20-1-2010 no 08-19.627 : BPAT 2/10 inf. 91, à propos de la conclusion d’une transaction entre un mineur victime d’un accident de la circulation et un assureur) ;

  • - le compromis au nom de l’enfant ;

  • - l’acception pure et simple d’une succession revenant au mineur ;

  • - l’achat ou la location d’un bien du mineur par l’administrateur légal. Pour la conclusion de ces actes, ce dernier est réputé être en opposition d’intérêts avec le mineur, ce qui contraint à la nomination d’un administrateur ad hoc (voir n° 6). Rappelons que ces actes étaient avant le 1er janvier 2016 interdits à l’administrateur légal, sauf à titre exceptionnel ; 

  • - la constitution gratuite d’une sûreté au nom du mineur pour garantir la dette d’un tiers ;

  • - la réalisation d’actes portant sur des valeurs mobilières ou instruments financiers, s’ils engagent le patrimoine du mineur pour le présent ou l'avenir. L'autorisation du juge doit préciser les conditions de l'acte et, s'il y a lieu, le prix ou la mise à prix pour lequel l'acte est passé.

A noter : la disparition de la conclusion d’un partage amiable et de son état liquidatif de la liste des actes soumis obligatoirement à autorisation.

Sur cette liste, voir les commentaires critiques en plein ou en creux de Nathalie Peterka (JCP G 2015 n° 44, 1160).

L’article 387-2 du Code civil énumère une liste des actes interdits à l’administrateur légal, même autorisé, laquelle diffère de la liste des actes interdits posée par l’article 509 en matière de tutelle des mineurs et des majeurs.

10. Nouveauté encore, lorsque le juge des tutelles est amené à se prononcer sur l’un des actes listés n° 9, il peut, s'il l'estime indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, décider que d’autres actes de disposition doivent être soumis à son autorisation préalable. Pour prendre sa décision, le juge doit prendre en considération la composition ou la valeur du patrimoine, l'âge du mineur ou sa situation familiale (par exemple en cas de conflits importants entre ses parents).

Les parents ou l'un d'eux, le ministère public ou tout tiers ayant connaissance d'actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d'une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci peuvent demander au juge des tutelles de soumettre certains actes de disposition à son autorisation (C. civ. art. 387-3 nouveau). Cette disposition reprend le devoir de signalement de l’article 499 du Code civil qui pèse sur les tiers (notamment les notaires ou les banquiers) constatant des actes ou omissions du tuteur susceptibles d’être préjudiciables à une personne protégée.

11. Enfin, le juge des tutelles est fondé, comme auparavant, à intervenir en cas de désaccord entre les parents lorsqu’ils sont tous les deux administrateurs légaux. Dans ce cas, il appartient au juge des tutelles d’autoriser ou non l’acte (C. civ. art. 387 nouveau).

Contrôle des administrations légales.

12. Le juge des tutelles et le procureur de la République n’ont plus pour mission d’exercer une surveillance générale des administrations légales (C. civ. art. 388-3 abrogé). De même est abrogée l’obligation d’établir un inventaire des biens du mineur qui pesait sur tous les administrateurs légaux (C. civ. art. 389-7 abrogé). Cette obligation irréaliste n’était, il est vrai, jamais respectée dans le cadre, notamment, de l’administration légale pure et simple.

Désormais, l’obligation d’inventaire n’est plus générale. Seul le juge peut, dans le cadre du contrôle des actes visés nos 8 et 9, demander à l’administrateur légal d’établir un inventaire du patrimoine du mineur et de l’actualiser chaque année (C. civ. art. 387-4 nouveau).

Le juge peut, dans ce même cadre, lui demander d’établir annuellement un compte de gestion et d’y annexer des pièces justificatives, en vue de sa vérification par le greffier en chef du tribunal de grande instance. A la fin de sa mission, l’administrateur doit remettre un compte définitif des opérations intervenues depuis l’établissement du dernier compte annuel. Par exception, le juge des tutelles peut confier la mission de vérification et d’approbation des comptes à un technicien si l’importance et la composition du patrimoine du mineur le justifient. L’intervention du technicien est rémunérée par le mineur (C. civ. art. 387-5 nouveau).

La jouissance légale

13.  Les dispositions relatives à la jouissance légale, droit qui, rappelons-le, permet aux administrateurs légaux de bénéficier des revenus des biens de leurs enfants de moins de 16 ans, sont peu modifiées.

Seule nouveauté notable, les biens reçus par le mineur au titre de l’indemnisation d’un préjudice extrapatrimonial dont il a été victime sont dorénavant exclus du droit de jouissance légale (C. civ. art. 386-4, 3° nouveau).

Par ailleurs, l’obligation d’inventaire des biens des mineurs à laquelle était soumis tout administrateur légal ayant été supprimée (voir n° 12), les dispositions de l’ancien article 386 du Code civil qui prévoyaient que l’époux survivant qui ne réalisait pas l’inventaire perdait le droit de jouissance légale ont été tout naturellement abrogées.

Ouverture d’une tutelle

14. En cas d’administration légale, le juge des tutelles peut, à tout moment, soit d’office, soit à la requête de parents ou alliés ou du ministère public, décider d’ouvrir la tutelle. Avant de se prononcer, il doit, sauf urgence, entendre ou appeler l’administrateur légal. Seule une cause grave peut justifier l’ouverture d’une telle mesure de protection. Rappelons qu’avant le 1er janvier 2016 il suffisait au juge de justifier de motifs sérieux pour ouvrir une tutelle en cas d’administration légale sous contrôle judiciaire.

Sauf en cas d’urgence, l’administrateur légal ne peut faire aucun acte de disposition à partir de la demande et jusqu’au jugement définitif (C. civ. art. 391 modifié).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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