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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Pouvoirs et responsabilité des dirigeants et mandataires sociaux

La gestion de fait par un directeur technique déduite de la déconfiture de la société en son absence

La cessation de toute activité de la société à la suite de l'incarcération de son directeur technique constitue un indice permettant de qualifier ce dernier de dirigeant de fait.

CA Paris 25-1-2024 n° 23/00654


Par Marie PONSOT
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©Getty Images

Une SAS compte deux associés, l'un en est le dirigeant, l'autre le directeur technique salarié. Dans le cadre d'une procédure pénale portant sur la comptabilité de la société, les deux associés sont mis en examen, mais seul le directeur technique est placé en détention provisoire. Quelques mois plus tard, la société fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

Leur reprochant la tenue d'une comptabilité incomplète ou irrégulière et le détournement ou la dissimulation d'actif, un tribunal prononce une interdiction de gérer à l'encontre du dirigeant de droit et la faillite personnelle du directeur technique en sa qualité de dirigeant de fait. Contestant cette qualité, ce dernier interjette appel.

La cour d'appel de Paris confirme le jugement pour les raisons suivantes. 

L'incarcération du directeur technique avait entraîné la déconfiture de la société, qui avait cessé toute activité alors qu'elle avait réalisé plus d'un million de chiffre d'affaires annuel au cours des deux précédents exercices. Cet arrêt brutal et définitif de l'activité sociale démontrait son rôle central dans la société, qui dépassait le seul cadre de ses fonctions. En son absence, aucun élément ne prouvait que le dirigeant de droit avait assuré la gestion administrative et commerciale de la société, ce qui lui aurait notamment permis de recruter en urgence une personne appelée à remplacer le directeur technique.

Par ailleurs, le dirigeant de droit n'avait jamais été vu au siège de la société alors que le directeur technique ouvrait les locaux tous les jours, semblait donner des instructions au personnel et recevait un certain nombre de personnes. Si cela est concevable de la part d'un directeur technique, encore faut-il qu'il ait agi sous les ordres du dirigeant de droit. Or rien ne permettait d'établir une quelconque subordination du premier à l'égard du second.

En outre, le directeur technique, qui disposait de la carte bancaire de la société, avait engagé des dépenses qui n’avaient pas été autorisées ni contrôlées par le dirigeant de droit. Le directeur technique était d'ailleurs le seul en mesure de répondre aux questions du gestionnaire du compte bancaire de la société sur le fonctionnement de ce dernier, ce qui confirmait qu'il assurait bien la gestion sociale.

Enfin, sa rémunération, près de vingt fois supérieure à celle du dirigeant de droit, démontrait sa prééminence dans la gestion de la société.

A noter :

Lorsqu'une procédure de liquidation judiciaire d'une société est ouverte, la faillite personnelle de son dirigeant, de droit ou de fait, peut être prononcée (C. com. art. L 653-1, I-2°). 

Le dirigeant de fait est celui qui exerce une activité positive de gestion et de direction en toute souveraineté et indépendance (par exemple, Cass. com. 10-1-2013 n° 10-28.067 F-D : RJDA 4/12 n° 427, 1e espèce). En pratique, cette qualification repose sur un faisceau d'indices corroborant cette thèse. Ainsi, sont généralement pris en compte la réalisation d'actes positifs de gestion et plus généralement le comportement de l'intéressé, la détention de pouvoirs étendus, notamment d'une procuration sur les comptes bancaires de la société, et l'absence de lien de subordination à l'égard du dirigeant de droit. La situation, la rémunération et le rôle de l'intéressé sont d'ailleurs souvent comparés avec ceux du dirigeant de droit pour démontrer qu'il était en réalité le véritable maître de l'affaire ; même si l'effectivité de la direction de droit n'empêche pas l'existence, en parallèle, d'une direction de fait (CA Paris 19-4-1995 n° 93-15695 ; CA Rouen 3-3-2011 n° 10-1471 : RJDA 8-9/11 n° 726).

De manière inédite à notre connaissance, l'arrêt commenté déduit également cette direction de fait de l’importance du rôle joué par l’intéressé dans la société, importance elle-même dédu1e espèceite du déclin de l'activité de la société pendant son incarcération. La concomitance entre l’absence du directeur technique et le dépérissement de la société ne semble toutefois pas suffire à établir la gestion de fait, la cour d'appel prenant d'ailleurs le soin de motiver sa décision par d'autres éléments.

Documents et liens associés : 

CA Paris 25-1-2024 n° 23/00654

Pour en savoir plus

Voir : MSC 2024 n° 91481

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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