Rappels sur le licenciement nul
La nullité.
Elle joue en cas de licenciement d’une salariée enceinte pendant les périodes de suspension au titre du congé maternité et des cp pris juste après, ainsi que les 10 semaines suivantes, sauf faute grave de la salariée non liée à sa grossesse, ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse/l’accouchement (C. trav. art. L 1225-4 et L 1225-70) (ACP 5/23 « La protection de la salariés enceinte et la paie ») .
S’il y a demande de réintégration.
Le licenciement nul d’une salariée enceinte ouvre droit, si elle le demande, à sa réintégration (Cass. soc. 30-4-2003 n° 00-44.811) . Elle peut aussi obtenir le paiement des salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration, ou son éventuel refus de réintégration si elle y renonce (Cass. soc. 17-2-2010 n° 08-45.640) , sans déduction des revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier (Cass. soc. 29-1-2020 n° 18-21.862) , ainsi que des cp correspondants (Cass. soc. 10-11-1993 n° 89-42.302) .
Sans demande de réintégration.
Si la salariée ne demande pas sa réintégration, l’employeur lui verse outre une indemnité de préavis (Cass. soc. 12-3-1991 n° 88-40.806 ; Cass. soc. 10-11-1993 n° 89-42.302) , une indemnité d’au moins 6 mois de salaire pour réparation intégrale du préjudice subi du fait de l’illicéité du licenciement (C. trav. art. L 1225-71 et L 1235-3-1, al. 8) . Cette indemnité n’empêche pas le versement du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité lorsqu’il est dû en application des textes (C. trav. art. L 1225-71) , ni de l’indemnité de licenciement (C. trav. art. L 1235-3-1, al. 9) .
À savoir.
Avant la réécriture des textes en 2017, il était clairement précisé (C. trav. art. L 1225-71, al 2, ancien) que, en cas de licenciement nul en raison du non-respect des règles relatives à la protection de la grossesse/maternité, l’employeur devait verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité.
L’affaire en cause
Les faits.
Une salariée licenciée pour faute grave demande la nullité du licenciement, qu’elle considère en lien avec sa grossesse. La cour d’appel estime que la faute grave n’est pas démontrée, et, l’employeur connaissant l’état de grossesse, juge le licenciement nul, et lui accorde l’indemnité de 6 mois de salaire, ainsi qu’une indemnité correspondant aux salaires dus pendant la période de protection couverte par la nullité, soit du licenciement à la fin des 10 semaines suivant le congé maternité. L’employeur conteste, estimant que depuis 2017, la salarié a droit à l’indemnité de 6 mois de salaire, mais pas au paiement des salaires de la période de nullité.
La solution.
Cette affaire permet aux juges de se prononcer, pour la 1e fois à notre connaissance depuis la réglementation de 2017, sur le droit aux salaires de la période de nullité en cas de licenciement nul lié à la grossesse en l’absence de demande de réintégration. Et ils estiment, interprétant les textes français à la lumière de la réglementation européenne (dir. 92/85 du 19-10-1992 art. 10, et 2006/54 du 5-7-2006 art. 18) , que la salariée a droit (Cass. soc. 6-11-2024 n° 23-14.706) :
aux indemnités de rupture ;
à une indemnité d’au moins 6 mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement ;
et aux salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité.
Conseil.
La Cour de cassation se fonde également sur la jurisprudence européenne :
un licenciement pendant le congé maternité, mais aussi pendant toute la durée de la grossesse, ne pouvant concerner que les femmes, constitue dès lors une discrimination directe fondée sur le sexe (CJUE 11-11-2010 aff. 232/09) ;
et face à un licenciement discriminatoire, le rétablissement de la situation d’égalité ne pourrait pas être réalisé à défaut d’une réintégration ou, alternativement, d’une réparation pécuniaire du préjudice subi (CJCE 2-8-1993 aff. 271/91) ;
et lorsque la réparation pécuniaire est la mesure retenue pour atteindre l’objectif de rétablir l’égalité des chances effective, elle doit être adéquate, et donc permettre de compenser intégralement les préjudices effectivement subis du fait du licenciement discriminatoire, selon les règles nationales (CJUE 17-12-2015 aff. 407/14) .