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Un huissier n’est pas une autorité judiciaire habilitée à délier le notaire du secret professionnel

La communication par le notaire de la nouvelle adresse de son client à un huissier chargé de l’exécution d’une décision de justice suppose la levée judiciaire du secret professionnel qui le lie à l’acte de vente par une ordonnance du président du tribunal judiciaire.

Cass. 1e civ. 11-1-2023 n° 20-23.679 FS-B


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©Gettyimages

À la suite d’une vente déclarée caduque, l’acquéreur est condamné à payer diverses sommes au vendeur. Le notaire de l’acquéreur, tiers saisi, refuse de communiquer la nouvelle adresse de sa cliente à l’huissier de justice – commissaire de justice depuis le 1er juillet 2022. Le vendeur engage alors sa responsabilité pour obstruction à l’exécution du jugement.

Selon le tribunal, l’obstruction est caractérisée : sauf circonstances particulières, le secret professionnel qui lie le notaire aux actes qu’il reçoit ne saurait le dispenser de révéler à l’autorité judiciaire qui l’en requiert l’adresse d’un client lorsque ce renseignement est indispensable à l’exécution d’une décision de justice. Par ailleurs, le notaire n’a pas opposé de cause légitime susceptible de justifier son refus. Il est donc condamné au paiement de la somme de 500 € en réparation du préjudice subi.

La Cour de cassation censure l’analyse des juges du fond. Ceux-ci auraient dû rechercher si une ordonnance du président du tribunal de grande instance – devenu tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2020 – avait délié le notaire du secret professionnel, s’agissant d’une information contenue dans un acte qu’il a établi (Loi 25 ventôse an XI art. 23).

A noter :

La présente décision explicite les conditions de levée du secret professionnel du notaire attaché aux actes qu’il reçoit.

Pour mémoire, il est prévu que « les notaires ne pourront également, sans l'ordonnance du président du tribunal judiciaire, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts, d'une amende de 15 €, et d'être en cas de récidive, suspendus de leurs fonctions pendant trois mois, sauf néanmoins l'exécution des lois et règlements sur le droit d'enregistrement et de ceux relatifs aux actes soumis à une publication » (Loi 25 ventôse an XI art. 23 modifié par ord. 2019-964 du 18-9-2019).

Si l’on réserve la possibilité toujours ouverte aux parties à un acte de consentir à la levée du secret professionnel du notaire – il s’agit alors d’une levée amiable –, la seule dérogation autorisée est judiciaire. Plus précisément, il faut une ordonnance du président du tribunal judiciaire.

Cet arrêt en est une illustration : le notaire ne pouvait pas être délié de son obligation sur « simple » demande de l’huissier de justice, quand bien même ce dernier était chargé de l’exécution d’une décision de justice. Et le notaire n’était nullement tenu de justifier son refus.

Dans le même sens, des lettres échangées entre un notaire et son client ne peuvent pas être produites, dans le cadre d’une instance judiciaire, par la partie adverse : le droit à la preuve découlant de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’Homme ne peut pas faire échec à l’intangibilité du secret professionnel du notaire ; celui-ci n’en est délié que par la loi, soit qu’elle impose, soit qu’elle autorise la révélation du secret (Cass. 1e civ. 4-6-2014 n° 12-21.244 FS-PBI : Sol. Not. 10/14 inf. 221, RTD civ. 2014 p. 658 note H. Barbier). Autrement dit, charge à la partie intéressée de solliciter, d’abord, la levée du secret professionnel.

Par ailleurs, cet arrêt apporte une clarification quant à l’intangibilité du secret professionnel du notaire lorsque ce dernier est tiers saisi. En pratique, les notaires ont pris l’habitude de répondre sans réserve à l’interpellation de l’huissier depuis les recommandations du CSN faites avant la réforme des procédures civiles d’exécution (Dalloz référence 2019/2020 Responsabilité des notaires, Détermination des obligations imposées au notaire en sa qualité d’authentificateur, n°s 122-232 s.). La Haute Juridiction consacre la primauté du secret professionnel sur l’exécution d’une décision de justice, sous l’empire des nouveaux textes (C. exécution art. L 211-3 et R. 211-4) : à moins d’une levée judiciaire, le notaire tiers saisi n’a pas à communiquer à l’huissier tous les renseignements utiles à l’établissement de son exploit sans qu’il soit besoin pour lui, par ailleurs, de justifier de son refus.

Qu’en est-il de la levée du secret professionnel du notaire alors même que ce dernier n’aurait pas établi d’acte ? Est-elle possible dans ces conditions ? La Haute Juridiction l’a admis par le passé conditionnant toutefois cette levée à une intervention judiciaire. A ainsi été jugé que le secret professionnel qui s’impose au notaire ne saurait, sauf circonstances particulières, le dispenser de révéler à l’autorité judiciaire qui l’en requiert l’adresse de son client lorsque ce renseignement est indispensable à l’exécution d’une décision de justice (Cass. 1e civ. 20-7-1994 n° 92-21.615 : Bull. civ. I n° 263, Defrénois 30-3-1995 n° JP1995DEF403N1 p. 403 obs. G. Rouzet, RTD civ. 1996 p. 166 obs. J. Mestre). Il peut être levé pour assurer l’exécution des décisions de justice, sur le fondement de l’obligation à collaborer à la manifestation de la vérité en justice (C. civ. art. 10 ; CPC art. 11). Toutefois, la Cour de cassation semble être revenue sur sa position récemment en précisant que le notaire ne pouvait pas être contraint de communiquer un acte qu’il n’a pas établi ni des informations qu’il détient soumises au secret professionnel (Cass. 1e civ. 20-4-2022 n° 20-23.160 F-B : SNH 17/22 inf. 6, à propos d’un acte de notoriété pas encore établi et de l’identité des héritiers requis par un syndicat des copropriétaires).

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