Afin de faire face à la hausse des prix du carburant et de l’énergie, le Premier ministre a annoncé le 21 octobre dernier l’attribution d’une aide exceptionnelle et individualisée de 100 €, baptisée « indemnité inflation », versée en une seule fois aux personnes en remplissant les critères d’éligibilité. Inscrite dans le deuxième PLFR pour 2021, voté définitivement le 24 novembre, la mesure, contestée par l’opposition – elle avait été supprimée par les sénateurs lors de l’examen du texte en première lecture – pourrait faire l'objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel.
Sans attendre le vote définitif du texte, l’Urssaf a, dès le 9 novembre, apporté quelques précisions pratiques sur son site Internet. Le GIP-MDS détaille également le dispositif dans une fiche spécifique, accessible sur le site net-entreprises.fr, notamment s’agissant des modalités déclaratives de l’indemnité en DSN. Étant précisé qu’un décret doit encore fixer les conditions d’application de la mesure (Loi art. 13, al. 5).
Quelles sont les conditions d’éligibilité à l’indemnité ?
Bénéficiaires
L’indemnité est versée à toute personne âgée d’au moins 16 ans résidant régulièrement en France, que ses ressources, appréciées au regard de sa situation, rendent particulièrement vulnérable à la hausse du coût de la vie prévue pour le dernier trimestre 2021 (Loi art. 13, al. 1).
L’âge minimum requis a été fixé à 16 ans afin de pouvoir inclure parmi les bénéficiaires tous les jeunes en activité ou inscrits dans une démarche de formation ou d’accompagnement vers l’insertion professionnelle, comme les jeunes en alternance, les stagiaires de la formation professionnelle, les jeunes en service civique ou qui se sont engagés dans une démarche d’insertion dans l’emploi. Il résulte de la condition de résidence en France que les travailleurs transfrontaliers sont éligibles à l’indemnité (Rapport AN n° 4659 p. 189).
L’indemnité sera versée à toute personne éligible au regard de sa situation sur le mois d’octobre 2021 dans des conditions qui seront définies par décret. Sont notamment visés les actifs, les demandeurs d’emploi, les retraités, les invalides.
Salariés du secteur privé
En pratique, s’agissant des salariés du secteur privé, l’indemnité leur sera versée sous réserve qu’ils remplissent ces conditions d’âge et de résidence, qu’ils aient été employés au cours du mois d’octobre 2021 (même s’ils ont quitté l’entreprise depuis) et qu’ils ne dépassent pas le seuil de ressources indiqué ci-dessous.
Selon la fiche DSN n° 2534, elle serait notamment versée aux personnes suivantes :
salariés du secteur privé, quel que soit leur employeur ;
alternants (contrats d’apprentissage, de professionnalisation…) ;
titulaires d’un contrat d’engagement en Esat ;
mandataires sociaux rémunérés, au vu de la rémunération de leur mandat et le cas échéant de leur contrat de travail.
Seraient en revanche exclus :
les stagiaires ;
les salariés des particuliers employeurs, l’indemnité leur étant versée directement par l’Urssaf ;
les salariés en congé parental d’éducation (versement par la Caf) ;
les expatriés ;
les non-résidents en France dont la non-résidence est appréciée durant la totalité du mois d’octobre 2021.
A noter :
A s’en tenir à la lecture de l’article 13 de la loi, les stagiaires en entreprise devraient, s’ils remplissent les conditions mentionnées ci-dessus, pouvoir accéder à l’indemnité. Toutefois, alors que le dossier de presse du Gouvernement du 3 novembre les citait expressément comme bénéficiaires du dispositif, la fiche DSN les en exclut. Le décret apportera sans doute une réponse sur ce point.
Selon la fiche DSN précitée, une condition minimale de durée du contrat de travail de 20 heures pourrait être prévue. À défaut de précision supplémentaire, il faudra attendre le décret d’application pour savoir si cette condition sera bien exigée. Cependant, le Gouvernement avait évoqué dans son dossier de presse du 3 novembre 2021 le cas spécifique des salariés en contrats courts hors intérim (CDD inférieurs à un mois) qui cumulent souvent plusieurs contrats de travail au cours d’un même mois. Afin d’éviter un double versement, le déclenchement de l’indemnité ne serait pas automatique si le temps de travail cumulé chez un même employeur est inférieur à 20 heures. Dans ce cas, il appartiendrait au salarié de se signaler auprès d’un de ses employeurs, de préférence celui avec lequel la relation de travail est toujours en cours ou, à défaut, celui pour lequel il a effectué le plus d’heures pendant le mois d’octobre (Dossier de presse p. 9). Étant précisé que les règles de priorité entre débiteurs en cas de pluralité de payeurs potentiels seront fixées par décret (Loi art. 13, al. 5).
Travailleurs indépendants et non-salariés agricoles
Les travailleurs indépendants et les non-salariés agricoles (y compris conjoints collaborateurs et aides familiaux agricoles) sont également éligibles à l’indemnité inflation, qu’ils percevront automatiquement de la part de l’Urssaf ou de la caisse de MSA dont ils relèvent, dès lors qu’ils ont été en activité au cours du mois d’octobre 2021 et qu’ils ont déclaré un revenu d’activité inférieur à 2 000 € net par mois en 2020. Le versement interviendra au plus tard en janvier 2022 (Dossier de presse du 3-11-2021).
Pour les micro-entrepreneurs, serait pris en compte le chiffre d’affaires ou le montant des recettes déclaré entre le 1er janvier et le 30 septembre 2021. Les montants devraient être au moins égaux à 900 € sur l’ensemble de la période et correspondre, compte tenu de l’application des abattements fiscaux propre à chaque nature d’activité, à un revenu moyen inférieur à 2 000 € net par mois (Rapport AN n° 4659 p. 190).
Autres bénéficiaires
Les gérants minoritaires de SARL, les dirigeants de SAS ou SA percevront l’indemnité s’ils remplissent les conditions de revenus et ne sont pas susceptibles de la recevoir au titre d’un contrat de travail. Les artistes-auteurs percevront l’indemnité selon des modalités qui seront définies avec le secteur (Dossier de presse du 3-11-2021).
Seuil de rémunération
Le décret à paraître doit préciser les conditions de ressources requises des bénéficiaires en fonction de leur situation (Loi art. 13, al. 5).
Pour les salariés, l’indemnité sera versée à ceux ayant perçu une rémunération brute soumise à cotisations inférieure à 26 000 € brut au titre des périodes d’emploi du 1er janvier au 31 octobre 2021 (soit 2 600 € brut par mois en moyenne sur la période, ce qui correspond à 2 000 € net par mois avant impôt sur le revenu) (Fiche DSN n° 2534 ; Actualité Urssaf du 9-11-2021).
L’aide étant individualisée, seul le revenu du bénéficiaire est pris en compte, sans considération de l’ensemble des ressources du foyer (Rapport AN n° 4659 p. 187). Selon le rapport parlementaire, la période de référence retenue permet d’éviter la prise en compte du versement de 13e mois et de prime de fin d’année qui pourrait conduire à exclure certains salariés du champ de la mesure (Rapport AN n° 4659 p. 190).
Selon la fiche DSN précitée, le plafond de rémunération sera réduit en fonction de la durée du contrat sur la période de référence, appréciée au prorata du calendrier selon la formule (nombre de jours de la relation de travail/nombre de jours calendaires de la période de référence) × 26 000, le plafond proratisé ne pouvant pas être inférieur à 2 600 €.
Un montant d’indemnité égal à 100 € dans tous les cas
Le montant de l’indemnité est, dans tous les cas, égal à 100 € par bénéficiaire. Il n’est pas réduit en fonction de la durée du contrat de travail, ni en fonction de la durée du travail prévue au contrat (Fiche DSN n° 2534).
Quelles sont ses modalités de versement et de compensation ?
À la charge de l’État, l’indemnité inflation sera versée aux bénéficiaires par les personnes débitrices à leur égard de revenus d’activité, de remplacement ou de prestations sociales ou, à défaut, par tout autre organisme désigné par décret (Loi art. 13, al. 2).
En pratique, l’employeur versera l’indemnité inflation à ses salariés en décembre 2021 dans la plupart des cas, et au plus tard en janvier 2022 (Dossier de presse du 3-11-2021). Elle sera inscrite sur une ligne dédiée du bulletin de paie sous le libellé « Indemnité inflation – aide exceptionnelle de l’État ».
Sur le versement de l’indemnité aux travailleurs indépendants, voir ci-dessus.
Les employeurs bénéficieront d’un remboursement intégral du montant de l’indemnité inflation versée, par imputation de son montant sur les cotisations sociales dues à l’organisme de recouvrement dont ils relèvent (Urssaf ou MSA) dès l’échéance de paiement la plus proche (Loi art. 13, al. 2 ; Fiche DSN n° 2534). En cas de montant d’indemnité excédant le montant des cotisations dues, l’Urssaf procédera à un remboursement. Le décret à paraître doit déterminer les modalités de versement à ces organismes des sommes dues au titre du remboursement intégral des aides versées ou de la perte de cotisations sociales liée à leur imputation (Loi art. 13, al. 5).
Quel régime social et fiscal ?
L’indemnité inflation est totalement exonérée de cotisations et de contributions sociales d’origine légale et conventionnelle et n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu (Loi art. 13, al. 3).
Le bénéfice de l’aide exceptionnelle n’est pas pris en compte pour le calcul des revenus et ressources ouvrant droit aux allocations, prestations et avantages contributifs ou non contributifs, ni pour déterminer leur montant lorsque le droit est ouvert (Loi art. 13, al. 4). Il s’agit d’éviter que le versement de l’indemnité ne conduise à retirer aux personnes touchant les minima sociaux le bénéfice de ces revenus (Rapport AN n° 4659 p. 197).
Quel traitement en DSN ?
L’indemnité suit les règles de rattachement de la paie (période d’emploi) avec laquelle elle est versée. Elle pourra donc être déclarée en DSN au plus tard le 5 ou le 15 janvier 2022 pour un versement avec la paie de décembre 2021.
Les modalités déclaratives de l’indemnité inflation en DSN sont détaillées par le GIP-MDS sur le site net-entreprises.fr dans la fiche n° 2534.