1. Quels sont les impacts du numérique sur l’information financière ?
Lors des Etats généraux, un diagnostic a été posé faisant état d’un basculement d’une information très normée (« information financière papier ») vers une information de masse en flux continu.
L’information financière au sens traditionnel du terme est matérialisée par les rapports annuels pour les sociétés cotées, les états financiers, le rapport de gestion, l’opinion des auditeurs ainsi que les communiqués des sociétés et constitue la base de l’opinion des analystes sur l’entreprise.
Aujourd’hui, cinq caractéristiques annoncent une rupture avec cette information financière « classique » :
- l’accroissement du volume de l’information disponible ;
- la multiplication des sources (internes comme externes) ;
- la disparition des frontières entre l’information produite par l’entreprise et l’information de contexte ;
- la continuité des flux ;
- le développement de la capacité d’analyse avec le numérique.
Le degré de signification et la matérialité de l’information changent également : avec la numérisation de l’information, il est possible de mesurer l’impact d’un évènement même s’il représente à peine 1% du résultat.
Il devient difficile de « qualifier » l’information et une adaptation des capacités d’exploitation est nécessaire. Afin de garantir la qualité de cette richesse d’information, l’une des pistes évoquées a été celle de la qualification de l’information :
- par l’origine ;
- par les procédures d’approbation et de vérification qui s’attachent à l’information ;
- par l’impact potentiel de l’information.
On assiste à une révolution des concepts de transparence, les entreprises n’ont plus de « vie privée » et une nouvelle gouvernance de l’information doit se mettre en place afin de tenir compte de toutes les informations connexes à celles produites par les entreprises elles-mêmes.
2. Quelles sont les limites des principes et schémas comptables actuels face aux nouveaux types de transactions issues de l’économie numérique ?
La comptabilité a très bien fonctionné dans son état actuel pour un monde industriel. Elle s’est également bien adaptée à l’économie tertiaire des services ; néanmoins on constate pour les activités de services que l’écart entre la valeur boursière d’une entreprise et sa valeur comptable s’est accrue par rapport aux industries, et dans le cas des entreprises numériques, l’écart est encore plus grand.
Soit les transactions ne sont pas comptabilisées comme elles devraient l’être, soit l’immatériel créé n’est pas vraiment reconnu en comptabilité (constatation d’une charge et non d’un actif).
Trois pistes en découlent :
- les transactions sont-elles bien reflétées ? Par exemple, l’accès gratuit à un site permettant néanmoins la collecte de données personnelles aboutissant à la création d’un profil afin de cibler la communication, est-il vraiment une transaction gratuite ?
- la comptabilisation en charge de l’essentiel des frais de développement est-elle pertinente dans l’économie numérique ?
- le développement d’une information non financière n’est-il pas la réponse, au-delà d’une meilleure comptabilisation des transactions, à la problématique de la reconnaissance de l’immatériel ?
3. Des travaux sont-ils en cours à l’ANC sur les sujets liés à l’économie numérique ?
Un groupe de travail a démarré sur les transactions de type cryptomonnaies, Blockchain, peer to peer qui interrogent beaucoup. En effet, un transfert de bien attesté seulement dans la Blockchain est-il un vrai transfert d’un point de vue juridique ? Qu’achète-t-on lorsqu’on achète des jetons via les ICO (Initial Coin Offering) ?
Ainsi, même si elle n’est pas encore normée, il convient de s’attacher à développer une forme d’information non financière à impact financier dans le rapport de gestion. La comptabilité ne peut répondre qu’en partie à la question.
4. Qu’entend-on par « loi des rendements croissants » ?
Le concept de loi des rendements croissants pour les actifs immatériels a été abordé par Jérôme Julia, président de l’Observatoire de l’Immatériel lors des Etats généraux : contrairement à l’industrie qui suit une loi des rendements décroissants, dans l’économie numérique, celui qui accumule de plus en plus de données pertinentes devient de plus en plus rentable.
Cette notion mérite d’interpeller le comptable, voire l’extra-comptable.
Propos recueillis par Chloé QUEFFEULOU
Patrick CAMBOURG, président de l'Autorité des normes comptables