Le Conseil d'Etat a jugé qu'il résulte des indices précis et concordants suivants que le directeur salarié d'une banque d'affaires a transmis à un membre de sa famille (un cousin) une information privilégiée sur une OPA à la réalisation de laquelle la banque participait :
- le cousin a acheté, pendant les 15 jours ayant précédé la publication du communiqué relatif à l'OPA, pour près de 8 millions d'euros d'actions de la société cible ; cet achat ne correspondait pas à ses habitudes d'investissement et présentait un caractère atypique, massif et extrêmement risqué au regard de la liquidité de la valeur ; il ne pouvait s'expliquer que par l'assurance que la communication de l'information privilégiée lui donnait que le cours de l'action de la société cible allait fortement augmenter ;
- le directeur a été destinataire de courriels portant sur l'intervention de la banque à l'OPA et contenant tous les éléments de l'information privilégiée ; il a rencontré un dirigeant de la banque qui l'a informé de l'OPA ;
- le directeur et son cousin avaient des relations d'affaires étroites, témoignant de forts liens de confiance ; ainsi, l'année ayant précédé l'OPA, le directeur avait transféré 2 millions d'euros sur le compte bancaire de son cousin et ils avaient réalisé ensemble un projet immobilier pour lequel ils avaient fréquemment été en contact ; ce compte a été utilisé pour financer l'achat d'une partie des actions ;
- l'achat soudain et massif des actions est intervenu moins de 24 heures après que le directeur a reçu l'information privilégiée de la part du dirigeant de la banque.
Le Conseil d'Etat a alourdi la sanction pécuniaire prononcée par l'Autorité des marchés financiers (AMF), la portant de 400 000 € à 600 000 € car le manquement, d'une particulière gravité, a été commis en toute connaissance de cause par l'intéressé alors que les fonctions importantes qu'il occupait au sein de la banque impliquaient une abstention totale de communication aux tiers des informations privilégiées auxquelles il avait accès.
A noter : La détention ou la communication d'une information privilégiée par un initié peut, à défaut de preuve directe, être établie par un faisceau d'indices concordants dont il résulte que seule cette détention ou cette communication peut expliquer les opérations financières réalisées par l'initié ou le tiers à qui l'information a été communiquée. Elle peut ainsi être déduite de la passation d'ordres de bourse atypiques et massifs sur le titre qui est l'objet de l'information privilégiée : par exemple, achat d'un montant quatre fois supérieur au plus gros des investissements déjà réalisés par l'initié (Cass. com. 13-11-2013 n° 12-21.572 : RJDA 3/14 n° 232).
Le recours au faisceau d'indices est toutefois inopérant si les opérations financières peuvent s'expliquer par d'autres raisons que la détention ou la communication de l'information : par exemple, il a été jugé que l'importance d'un achat de titres par une société pour 2 millions d'euros pouvait s'expliquer par l'importance sans précédent de sa trésorerie avant l'opération ; le fait que cet achat ne soit pas conforme à sa pratique habituelle consistant à placer sa trésorerie en OPCVM monétaires était par ailleurs justifié par la disponibilité subite d'une telle trésorerie ayant conduit la société à rechercher un placement d'un rendement supérieur à celui des OPCVM (CA Paris 21-6-2012 n° 11/08965 : RJDA 11/12 n° 977).
Pour en savoir plus : voir Mémento Groupe de sociétés no 2390