Du 25 au 29 mars a eu lieu la 3e édition de la semaine de l’épargne salariale. Selon le ministère du Travail, 300 000 entreprises ont mis en place un dispositif d’épargne salariale (participation, intéressement, plan d’épargne salariale), ce qui représente 130 milliards d’euros d’avoirs.
Si 8,6 millions de salariés (soit un peu moins d’un salarié sur deux) bénéficient d’au moins un des dispositifs proposés, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, dénonce une « forte inégalité d’accès à l’épargne salariale, notamment à l’intéressement, en fonction de la taille de l’entreprise. 87 % des salariés des grandes entreprises sont couverts par ces accords d’intéressement et de participation mais dans les entreprises de moins de 50 salariés, ce sont seulement 20 % des salariés ». Plus précisément, seuls 16 % des salariés bénéficient d’un dispositif d’épargne salariale dans les entreprises de 50 salariés, 20 % dans les entreprises de 50 à 99 salariés et 35 % dans les entreprises de plus de 100 salariés.« L’on constate aussi une méconnaissance de ces dispositifs, notamment au sein des PME-ETI », précise Me Olivier Bach, avocat associé chez Eole Avocats. « Heureusement, il y a une vraie volonté des pouvoirs publics de sensibiliser ces entreprises, de favoriser l’augmentation du pouvoir d’achat de tous les salariés quelle que soit la taille de la structure qui les emploie. La loi Pacte va y contribuer et redonner du souffle à ces dispositifs qui, pour des raisons fiscales, l’avaient perdu depuis 2008 ».
Constatant que le forfait social avait freiné la volonté des dirigeants de mettre en place le dispositif d’intéressement, la première action du gouvernement, au titre de l’épargne salariale, fut d’intégrer dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 les dispositions liées à ce forfait, pourtant initialement prévues dans le projet de loi Pacte. Depuis le 1er janvier 2019, la contribution patronale de 20% (forfait social) est supprimée :
- sur la participation et l’abondement employeur pour les entreprises de moins de 50 salariés ;
- uniquement sur l’intéressement pour les entreprises de 50 à moins de 250 salariés.
D’autres mesures sont envisagées par la loi Pacte pour rendre plus attrayant le système d’intéressement et encourager les entreprises à le mettre en place. Une redistribution d’éventuels reliquats serait prévue au profit des salariés n’ayant pas atteint le plafond individuel. Dans le cadre de la formule de calcul d’intéressement, un objectif pluriannuel lié aux résultats ou aux performances de la société pourrait être pris en compte. Dans toutes les entreprises qui disposent déjà d’un accord d’intéressement, il serait possible d’intégrer un accord d’intéressement de projet qui définirait un objectif commun à tout ou partie des salariés de la société. Le plafond individuel de l’intéressement serait relevé à hauteur de 75 % du plafond annuel de Sécurité sociale, et serait de ce fait aligné sur les sommes versées au titre de la participation. « L‘intéressement est un dispositif périphérique de rémunération. Mis en place par voie d’accord entre l’employeur et les partenaires sociaux, il associe les salariés aux performances de l’entreprise. C’est un outil vertueux de partage de la valeur qui permet de corréler compétitivité et engagement collectif, de motiver les salariés et de les fidéliser, d’attirer de nouveaux talents. Tout comme l’actionnariat salarié, malheureusement encore trop souvent réservé aux grands groupes, le dispositif est un vrai levier pour la marque employeur », poursuit Me Bach.
En outre, il semble que les critères retenus pour la formule de calcul, qui permet de définir la masse de l’intéressement, renforcerait la valorisation de la marque employeur. « Accompagnant les entreprises dans la rédaction de l’accord d’intéressement, je constate que la tendance actuelle est de conclure des accords multicritères, reposant à la fois sur de l’intéressement aux résultats (performance de l’entreprise vue sur un plan purement comptable et financier) et sur de l’intéressement aux performances (par exemple, le critère d’innovation ou celui de la satisfaction des clients reposant sur un diagnostic encadré, rigoureux, soumis au contrôle de la DIRECCTE). Les entreprises peuvent être très créatives sur les critères liés à la performance mais à la condition que ces derniers respectent le caractère aléatoire de l’accord, sans quoi le régime social et fiscal de faveur serait perdu. Des entreprises, disposant pourtant de résultats financiers limités, vont malgré tout proposer de l’intéressement à leurs salariés en retenant une formule reposant sur des critères de performance répondant à la problématique du “ socialement responsable ”. Les grands groupent intègrent de plus en plus dans leur stratégie d’entreprise (business positif) une épargne salariale responsable qui, au travers même du système périphérique de rémunération, répond aux enjeux sociétaux », conclue Olivier Bach.
Fruit d’une négociation avec les représentants des salariés, l’accord d’intéressement reposant sur des critères sociétaux et environnementaux fait ainsi adhérer les salariés au business modèle de l’entreprise qui intègre une distribution responsable et rationnelle des résultats. Au même titre que les salariés détenteurs d’actions gratuites qui participent, dans une certaine mesure, à la définition du plan stratégique, l’accord engage les collaborateurs et contribue à faire fructifier l’épargne collective. Quoi de plus moteur et vendeur pour une entreprise !
Audrey TABUTEAU
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Quels sont les points de vigilance à considérer lors de la mise en place d’un accord d'intéressement ?
Olivier Bach. L’accord d’intéressement est un dispositif facultatif ce qui signifie que l’entreprise dispose d’une latitude assez forte pour en définir les contours avec le concours des partenaires sociaux. Il faut bien avoir à l’esprit que l’intéressement appelle à distribuer potentiellement plus que ce que la loi ou la convention collective oblige à donner. Des principes directeurs doivent toutefois être respectés afin de bénéficier du régime social et fiscal de faveur. Le dispositif doit respecter les caractères suivants :
- être collectif : l’accord doit bénéficier à tous les salariés dans l’entreprise (sous réserve des conditions d’ancienneté) ;
- être aléatoire : le dispositif repose sur des aléas comptables et de performance.
L’accord doit intégrer :
- un préambule qui explique la volonté de l’entreprise et des partenaires sociaux. Il précise le motif de l’accord, les raisons qui ont motivé les parties à retenir telle formule ou telle autre de calcul ;
- des clauses obligatoires relatives : à la durée de l’accord (en principe, la durée est triennale) ; à la révision, à la dénonciation ou à la reconduction de l’accord ; aux salariés bénéficiaires (clause d’ancienneté ne pouvant excéder 3 mois) ; aux établissements concernés ; à l’unité de calcul ; aux critères de répartition ; à la date de versement.
L’accord doit également prévoir les modalités d’information de chaque bénéficiaire (note, affichage, livret d’épargne salariale). Le salarié doit connaître : la somme qui lui est attribuée ; les règles de calcul et de répartition ; le délai dans lequel il peut formuler une demande de versement ; l’affectation de l‘intéressement au plan d’épargne s’il est proposé par l’entreprise.
Enfin, doit être précisée la règle de dépôt de l’accord : ce dernier doit être effectué, par voie dématérialisée, sur la plateforme de téléprocédure du ministère du Travail.
Le contrôle de légalité de l’accord s’effectue par la DIRECCTE. Si, dans les quatre mois à compter du dépôt, la DIRECCTE n’a émis aucune observation, l’accord est considéré comme conforme et aucun redressement ne pourra être opéré a posteriori par l’URSAFF. Le lien avec l’administration est une véritable sécurité.
Me Olivier Bach, avocat associé chez Eole Avocats