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Interprétation d’une clause ambiguë de non-sollicitation de clientèle : illustration

La clause interdisant « de démarcher et de conclure un contrat » avec des clients désignés est ambiguë et peut être interprétée comme interdisant la conclusion d‘un contrat sans démarchage préalable.

CA Paris 23-7-2024 n° 23/03341, SARL MAARC c/ X


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©Getty Images

Après avoir été révoqué de ses fonctions, l’ancien cogérant d’une société spécialisée en communication et relations publiques cède ses parts sociales au gérant resté en place. La cession s’accompagne d’un protocole prévoyant un partage de la clientèle existante de la société entre celle-ci et l’ancien cogérant, une clause de non-sollicitation de la clientèle partagée et une clause pénale qui sanctionne le non-respect de cette interdiction. Quelques mois plus tard, l’ancien gérant réclame le paiement de la pénalité convenue car un client qui lui a été attribué en vertu du partage a conclu un contrat avec la société. Les parties s’opposent alors sur la portée de la clause de non-sollicitation, rédigée ainsi : « A titre de condition déterminante des présentes, le cessionnaire et la société s’interdisent de démarcher et de conclure, directement ou indirectement, un contrat avec l’un des clients dont la liste figure en annexe » pendant deux ans. L’interdiction de démarcher et de conclure doit-elle être interprétée comme visant seulement la conclusion d’un contrat précédée d’un démarchage ou s’applique-t-elle également au contrat conclu sans démarchage préalable, ce qui était le cas du client qui, de sa propre initiative, avait cessé ses relations commerciales avec l’ancien cogérant pour s’adresser à la société ?

Après avoir reconnu la possibilité d’une double interprétation de la clause, la cour d’appel de Paris opte en faveur de la seconde pour les raisons suivantes. 

Le prix de cession des parts sociales avait été calculé en tenant compte de la valeur fixée par les parties des clients conservés par la société et de ceux emportés par le cédant. La clause d’interdiction réciproque « de démarcher et de conclure directement ou indirectement un contrat » était donc destinée à assurer l’efficacité du partage de clientèle, étant observé que cette interdiction s'appliquait uniquement aux clients concernés et pour une durée limitée. Si cette clause interdisait le démarchage, elle devait être comprise comme visant surtout à empêcher la conclusion d’un contrat, qu’elle soit précédée au non d’un démarchage.

A l'inverse, une interprétation cumulative, exigeant un démarchage avant la conclusion d'un contrat, priverait d'effet la clause d’interdiction - exprimée comme une condition essentielle et déterminante du contrat - et priverait aussi de sa substance l'obligation essentielle du partage de clientèle. Cette interprétation doit donc être écartée puisqu'il suffirait pour l'une des parties de dissimuler le démarchage d'un client ou seulement de bénéficier de relations d'affaires anciennes avec ce client, pour conclure ensuite un contrat avec ce dernier, ce qui permettrait à cette partie de reprendre la clientèle cédée, tout en conservant le prix, et constituerait ainsi une violation tant du principe d'exécution loyale et de bonne foi des contrats que de la garantie d'éviction due par tout vendeur.

Le sens distributif, et non cumulatif, de la conjonction « et » (dans l'expression « de démarcher et de conclure ») avait été implicitement reconnu par le gérant de la société, qui, à la suite du « détournement » du client en cause, avait proposé de rétrocéder à l’ancien gérant une partie des honoraires perçus, à titre de compensation, pour conserver la possibilité de travailler avec ce client. Cette interprétation est justifiée au regard tant de la finalité de la clause de non-sollicitation que de l’économie du protocole.

Par suite, juge la cour d’appel, la seule conclusion d'un contrat par la société avec le client en cause constituait une violation du protocole comportant des obligations réciproques de non-sollicitation.

A noter :

Dans cette affaire, la cour d’appel a fait application des principes prévus par le Code civil pour l’interprétation des clauses ambiguës, notamment : primauté de la commune intention des parties sur le sens littéral des termes (C. civ. art. 1188) ; interprétation des clauses les unes par rapport aux autres en respectant la cohérence de l’acte tout entier (art. 1189) ; interprétation d’une clause susceptible d’avoir deux sens de façon à lui conférer un effet et non à l’en priver (art. 1191). Elle a en outre précisé que le contrat doit être interprété à l’aune du comportement postérieur des parties.

Documents et liens associés : 

CA Paris 23-7-2024 n° 23/03341

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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