Le président du tribunal de commerce peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite (CPC art. 873).
Se fondant sur ce texte, l’associé minoritaire et gérant d’une SARL appartenant à un groupe de sociétés demande au juge des référés de désigner un mandataire chargé de représenter la société lors d’un procès en cours contre d’autres sociétés du groupe, pour le cas où il serait révoqué de ses fonctions de gérant.
Une cour d’appel rejette sa demande en retenant que le minoritaire ne justifiait pas de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent. Certes, relève la cour, un changement de gérant pourrait avoir une incidence sur les choix de la SARL concernant le procès, notamment sur la décision de faire appel d’un jugement défavorable, mais rien ne permettait de dire qu’une telle décision serait de nature à mettre en péril la SARL. Par ailleurs, la mésentente entre les associés de la SARL n’emportait pas non plus péril pour les intérêts sociaux.
La Cour de cassation censure cette décision, reprochant à la cour d’appel d’avoir ajouté aux conditions prévues par la loi en exigeant la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société.
A noter :
Le mandataire ad hoc est désigné pour réaliser une opération ponctuelle (par exemple, convoquer une assemblée ou représenter la société dans une négociation). Les conditions de sa nomination sont moins rigoureuses que celles de l’administrateur provisoire, dont la mission, plus large, est d’assurer momentanément la gestion des affaires sociales en cas de difficultés graves.
La nomination d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle subordonnée à la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d'un péril imminent (jurisprudence constante ; notamment, Cass. 3e civ. 21-11-2000 : RJDA 3/01 n° 321 ; Cass. com. 6-2-2007 n° 05-19.008 : RJDA 7/07 n° 732).
Les première et troisième chambres civiles de la Cour de cassation ont déjà jugé que ces conditions ne trouvent pas à s’appliquer en cas de demande de désignation d’un mandataire ad hoc (Cass. 1e civ. 17-10-2012 n° 11-23.153 F-D : RJDA 2/13 n° 123 ; Cass. 3e civ. 21-6-2018 n° 17-13.212 FS-PBI : RJDA 10/18 n° 730). La chambre commerciale a retenu une solution similaire pour l'application de l’article L 225-110 du Code de commerce, qui permet aux actionnaires d’une société anonyme détenant une certaine fraction du capital de demander en référé la désignation d’un mandataire chargé de convoquer une assemblée générale (Cass. com. 13-1-2021 n° 18-24.853 F-P : RJDA 5/21 n° 314). Par la présente décision, elle élargit cette solution à toute demande de nomination d’un mandataire ad hoc fondée sur l’article 873 du Code de procédure civile.
La solution est identique lorsque la demande est formée par des associés de SARL invoquant l’article L 223-27, al. 7 du Code de commerce, qui leur permet de solliciter la nomination d’un mandataire pour convoquer une assemblée des associés (CA Aix-en-Provence 2-4-2009 n° 09/00189 : RJDA 6/10 n° 641).
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