Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de son débiteur en justifiant de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement (C. exécution art. L 511-1).
Une société civile immobilière (SCI) obtient l’autorisation de faire pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires détenus par l’associé minoritaire, en faisant valoir qu’elle détenait une créance contre ce dernier car le solde de son compte courant d’associé était débiteur en raison de l’affectation des pertes sociales.
La Cour de cassation ordonne la mainlevée cette saisie : sauf stipulation contraire des statuts, la contribution des associés aux pertes ne s'exécute qu'à la liquidation de la société, de sorte que le solde débiteur du compte courant d'un associé résultant de l'affectation des pertes sociales ne constitue une créance exigible qu’à compter de cette liquidation. Or, les statuts de la SCI ne contenaient aucune disposition prévoyant la répartition des pertes entre associés en cours de vie sociale ; la société ne justifiait donc d'aucune créance paraissant fondée en son principe.
A noter :
1° L'article 1832, al. 3 du Code civil prévoit que tout associé doit contribuer aux pertes sociales mais il ne précise pas à quel moment doit s'effectuer cette contribution. La Cour de cassation a déjà jugé que la société ne peut agir contre ses membres en paiement de ses pertes qu’en cas de dissolution ; en cours de vie sociale, les associés ne sont tenus de participer aux pertes que si les statuts de la société le prévoient (Cass. com. 3-3-1975 n° 73-13.721 : Bull. civ. IV n° 68 ; Cass. com. 29-10-2003 n° 00-17.538 F-D : RJDA 3/04 n° 309, à propos de sociétés en nom collectif mais transposables).
Les statuts de société civile peuvent prévoir que les pertes seront portées sur le compte courant des associés, qui peuvent ainsi présenter un solde débiteur. Jugé, par exemple, qu’une SCI pouvait agir contre un associé en paiement de la somme correspondant au solde débiteur de son compte courant résultant de l’affectation des pertes, dès lors que les statuts de la société prévoyaient que le bénéfice de l’exercice était immédiatement acquis aux associés et réparti entre eux sous forme d’inscription en compte courant et que les pertes éventuelles étaient supportées immédiatement et intégralement par les associés (Cass. com. 9-6-2004 n° 01-12.887 F-PB : RJDA 10/04 n° 1123). La contribution anticipée aux pertes peut également résulter d’une décision des associés, qui doit être prise à l’unanimité de ces derniers car elle entraîne une augmentation de leurs engagements (C. civ. art. 1836 ; pour un exemple, voir CE 18-10-2022 n° 462497 : RJDA 1/23 n° 26). Tel n'était pas le cas en l’espèce : la contribution anticipée aux pertes n’était pas prévue par les statuts de la SCI et celle-ci n’invoquait pas de décision unanime des associés en ce sens.
2° Rappelons qu'un compte courant d'associé débiteur est exigible à compter de la clôture du compte ou d'une demande en paiement émanant de la société (Cass. 1e civ. 27-6-2018 n° 17-18.893 F-D : RJDA 11/18 n° 831).
Documents et liens associés
Cass. com. 15-2-2023 n° 20-22.018 F-D, Sté Side Shore c/ X