Une femme décède laissant un testament olographe qui attribue à son compagnon, dans les termes suivants : « tous les biens mobiliers et immobiliers que je possède sur la commune de [localité], à l’exception de la maison sise [adresse], que je lègue à ma petite nièce […]. »
Le compagnon assigne en justice la petite nièce pour voir trancher leur désaccord sur la portée du legs à titre particulier. La maison fait partie d’un ensemble immobilier plus vaste de quatre parcelles cadastrales, constitué de lots achetés à des dates et à des propriétaires divers, comprenant notamment un atelier de peintre situé sur une autre parcelle séparée par un chemin communal.
La cour d’appel donne tort au compagnon, qui estime que le legs particulier est limité à la seule maison, pour retenir au contraire que c’est bien l’unité foncière dans son ensemble qui a été léguée. Les juges relèvent à cet effet que si la maison est édifiée sur l’une des parcelles, une partie de son bâti et sa terrasse empiètent sur deux des trois autres parcelles. Ces dernières font donc nécessairement partie du legs à titre particulier, la défunte n’ayant pu consciemment et volontairement amputer la maison d’une partie de son bâti, de sa terrasse et de son jardin. Quant à la quatrième parcelle, séparée des trois autres par un chemin communal, elle ne dessert que ces dernières et est traversée par des escaliers ainsi qu’une terrasse permettant de relier les deux fonds, l’ensemble étant entouré d’un mur de soutènement. En outre, les deux constructions, maison principale et atelier, constituent un seul ensemble foncier, la seconde ayant manifestement été conçue comme une dépendance de la première, en l’absence d’équipements propres en eau et en électricité. Enfin, si la maison et l’atelier sont dotés d’entrées distinctes, ils portent le même numéro dans la rue, matérialisant par cette seule et unique adresse l’existence d’une unité foncière.
La Cour de cassation confirme. L’ambiguïté et l’imprécision de la disposition testamentaire ont rendu nécessaire son interprétation, de sorte que la cour d’appel n’a commis aucune dénaturation. C’est par ailleurs dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel a estimé que le legs consenti à la petite nièce s’étendait à l’unité foncière comprenant l’ensemble des parcelles concernées.
A noter :
Comme l’illustre cette affaire, l’interprétation des testaments est une question de fait laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond (en ce sens, par exemple, Cass. 1e civ. 5-12-2012 n° 11-16.351 F-D). Mais la Cour de cassation vérifie que, sous couvert d'interprétation, les juges n'ont pas dénaturé la volonté du testateur. Il y a dénaturation lorsque le juge a modifié le sens d'une clause claire et précise. Une disposition dépourvue d'ambiguïté n'a pas à être interprétée, quand bien même elle semblerait absurde (pour une illustration, Cass. 1e civ. 20-11-2013 n° 12-19.516 F-D). Tel n’était pas le cas ici.
D’où l’intérêt d’avoir recours aux conseils d’un notaire pour la rédaction de son testament olographe afin d’éviter l’abondant contentieux dû au fait que le testateur n’a pas clairement exprimé ses volontés : légataire insuffisamment désigné, objet incertain du legs, etc. (voir toutefois les mises en garde de B. Beignier et A. Tani, Le notaire et le testament olographe. Modèle fourni et conservation assurée. Possible responsabilité ? Prudence... : JCP N 2018 n° 1264).