Un homme rédige un testament en ces termes : « je soussigné, (…), institue pour légataire universelle ma fille (…). Pour le cas où son frère exigerait sa part de réserve sur les biens dépendant de ma succession, je tiens à rappeler qu’il a déjà reçu de ma part de nombreux dons manuels rapportables à savoir : durant ses études d’ingénieur chimie ; alors qu’il était au chômage durant 4 ans et je suis encore intervenu lors de l’achat de sa maison et je suis toujours sa caution durée 12 ans. J’ai fait le décompte des diverses prestations et j’en suis arrivé à une évaluation de 150 000 €. Tout ceci, j’entends qu’il en soit tenu compte lors du partage de mes biens entre mes enfants après mon décès. » Le fils conteste la validité du testament et son obligation au rapport.
Il est débouté. La cour d’appel relève d’abord que la sanction d’une libéralité excessive n’est pas la nullité mais la réduction. Elle propose, en outre, une interprétation des dispositions de dernières volontés contestées. Il faut y voir, selon elle, la volonté du testateur de disposer de la quotité disponible au profit de sa fille et d’exiger de son fils le rapport des dons de sommes d’argent dont il a été gratifié pour un montant total de 150 000 €.
En conséquence, si les sommes versées ont pu être, pour une quote-part, l’exécution de l’obligation du père de contribuer à l’éducation et l’entretien de son fils, cette qualification ne dispense pas l’héritier gratifié de rapporter l’intégralité des sommes reçues si telle est la volonté du défunt (C. civ. art. 852, al. 1).
Enfin, s’agissant du montant du rapport, les juges constatent que le décompte effectué par le défunt donateur est en grande partie corroboré par les relevés de compte bancaire qui comportent la mention « virement à mon fils » ou « virement suivi des références du compte chèque du fils ».
A noter :
Illustration de la volonté d’assurer l’égalité entre ses héritiers lorsque l’un d’eux a bénéficié sa vie durant d’une aide qui peut s’avérer, au temps des comptes et du partage, significative. En l’espèce, est sans incidence sur le rapport des dons manuels consentis au fils le fait que ces sommes d’argent aient été versées en exécution de l’obligation alimentaire du père. En effet, comme le rappelle la cour d’appel, « les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant » (C. civ. art. 852, al. 1).