Une femme ayant trois enfants adhère à un contrat d’assurance-vie et désigne l’un de ses fils comme bénéficiaire. Un mois plus tard, à la suggestion de l’agent d’assurance, elle modifie la clause et désigne ses héritiers. À son décès, elle laisse un testament léguant à ce même fils la quotité disponible de tous les biens composant sa succession. Au moment de répartir les capitaux décès, l’assureur informe le fils qu’il a droit à la moitié du capital (ses droits dans la succession étant d’1/4 au titre de sa réserve + 1/4 au titre de la quotité disponible). Les autres héritiers contestent cette répartition. La cour d’appel leur donne raison : chacun d’eux doit recevoir 1/3 du capital car le testament n’a pas d’effet sur la désignation des enfants comme bénéficiaires en leur qualité d’héritier dès lors que le capital décès ne fait pas partie de la succession de l’assuré.
La Cour de cassation censure cette décision aux motifs suivants :
- le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l’assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés (C. ass. art. L 132-8, al. 1) ;
- est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la désignation comme bénéficiaires des héritiers ou ayants droit de l’assuré (C. ass. art. L 132-8, al. 2, 3 et 5) ;
- les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l’assurance en proportion de leurs parts héréditaires (et conservent ce droit en cas de renonciation à la succession) (C. ass. art. L 132-8, al. 7).
Pour se déterminer comme elle l’a fait, la cour d’appel n’a pas recherché, comme il le lui incombait, la volonté du souscripteur quant à la répartition du capital garanti, et a donc privé sa décision de base légale.
A noter : Cette décision s’inscrit dans un contentieux abondant relatif à l’interprétation de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, plus particulièrement de celle désignant « mes héritiers ». La solution ici dégagée ne semble pas tant vouloir sanctionner une interprétation erronée de la loi par la cour d’appel qu’un défaut de justification de sa décision. La Cour de cassation insiste sur l’obligation qu’a le juge du fond de rechercher la volonté du souscripteur quant à la répartition du capital.
Dans un arrêt récent, pareille exigence a déjà été dégagée pour l’identification du bénéficiaire ; la Cour de cassation a ainsi approuvé une cour d’appel d’avoir « justement énoncé que, pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d’héritier, lors de l’exigibilité du capital, il convient de ne s’attacher exclusivement ni à l’acception du terme héritier dans le langage courant ni à la définition de ce terme en droit des successions mais de rechercher et d’analyser la volonté du souscripteur » ; ainsi elle a jugé, en l’absence d’héritiers réservataires, que par la clause « mes héritiers » le souscripteur défunt avait entendu désigner non ses neveux et nièces mais le légataire universel (Cass. 2e civ. 14-12-2017 n° 16-27.206 F-D).
Remy FOSSET
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Patrimoine n° 28201