L’obligation de recherche d’un repreneur est contrôlée par le Direccte…
Lorsqu'elle envisage la fermeture d'un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif, l'entreprise d’au moins 1 000 salariés, à condition qu’elle ne soit pas soumise à une procédure collective, est tenue à un certain nombre d’obligations tenant à la recherche d’un repreneur pour l’établissement concerné (C. trav. art. L 1233-57-9 s.).
Le Direccte doit vérifier le respect par l’employeur de son obligation de recherche d’un repreneur lorsqu’il est saisi d’une demande de validation d’un accord collectif (C. trav. art. L 1233-57-2) ou d’homologation d’un document unilatéral (C. trav. art. L 1233-57-3) fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
…sous le contrôle du seul juge administratif
En l’espèce, dans le cadre d’un licenciement collectif pour motif économique, un accord collectif relatif au contenu du PSE avait été conclu entre l'employeur et les organisations syndicales, sur les mesures sociales d'accompagnement des licenciements. Par ailleurs, un document unilatéral établi par l’employeur avait fixé la procédure, le calendrier des départs et les mesures envisagées quant à la recherche d'un repreneur. L'accord collectif et le document unilatéral avaient fait l'objet respectivement d'une validation et d'une homologation par le Direccte.
Après la notification de leur licenciement, plusieurs salariés avaient saisi le conseil de prud’hommes de demandes en paiement de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi de l'obligation légale de recherche d'un repreneur. Le conseil s’était déclaré incompétent, mais la cour d’appel avait décidé le contraire et débouté les salariés de leurs demandes, en considérant que la procédure mise en place par l’employeur qui envisageait, à la suite de la fermeture du site, une reprise sous la forme d’une sous-traitance ou d’une nouvelle activité, était conforme à la loi.
La décision est cassée par la chambre sociale de la Cour de cassation, au motif que l'appréciation du respect de l'obligation de recherche d'un repreneur relève de la seule compétence de la juridiction administrative. En se déclarant compétente et en déboutant les salariés, la cour d’appel a violé le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire.
A noter : La Haute Cour a recours à l’article 76 du Code de procédure civile qui permet à la juridiction saisie de relever d’office son incompétence en cas de violation d’une règle d’ordre public, ce pouvoir étant ouvert en appel lorsque l’affaire relève de la compétence d’une juridiction administrative. Elle juge qu’il revenait à la cour d’appel, constatant que le recours dont elle était saisie mettait en cause une décision administrative dont le contentieux relève exclusivement de l’ordre administratif, de se déclarer incompétente pour connaître de la demande indemnitaire des salariés licenciés. C’est ce que fait la chambre sociale, en prononçant une cassation sans renvoi et en déclarant les juridictions de l’ordre judiciaire incompétentes pour connaître des demandes.
On peut penser que la solution aurait été différente si le nombre des salariés rattachés à un établissement dont la fermeture est prévue, et donc le nombre des licenciements économiques envisagés en raison de cette fermeture, avait été inférieur à 10 puisqu’en ce cas, l’employeur n'aurait pas été tenu d’établir un PSE soumis au contrôle du Direccte.
Confirmation du bloc de compétence au profit du juge administratif
En application de l’article L 1235-7-1 du Code du travail, le contenu du PSE et la régularité de la procédure de licenciement collectif, notamment, ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation prise par le Direccte. Le contentieux relève donc du juge administratif.
Dans cette nouvelle décision relative à la répartition des compétences entre les ordres judiciaire et administratif, la Cour de cassation confirme que les points relevant du contrôle de l’administration du travail sur les PSE qui lui sont soumis échappent au juge judiciaire. La chambre sociale applique ici le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire, procédant de la conception française de la séparation des pouvoirs et rappelé dans le visa de l’arrêt (loi des 16-24 août 1790).
Dès lors que le législateur a attribué, par la loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi, une compétence exclusive à l’administration du travail et, en cas de recours contre sa décision, au juge administratif pour se prononcer sur la valeur d’un PSE et sur le respect de la procédure de licenciement collectif, la décision rendue en la matière par l’autorité administrative s’impose au juge judiciaire et, en particulier, au juge du contrat de travail. C’est ainsi que l’homologation d’un plan unilatéral par l’administration du travail ne permet plus aux salariés de contester devant la juridiction judiciaire la valeur des mesures de reclassement qu’il contient, au soutien d’une demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 21-11-2018 n° 17-16.766 PBRI, AGS c/ C. : RJS 2/19 n° 97) ou que le juge judiciaire ne peut pas suspendre en référé un PSE validé par le Direccte (CA Versailles 12-7-2018 n° 18/04069 : RJS 11/18 n° 602).
Frédéric SATGE
Pour en savoir plus sur le licenciement collectif : voir Mémento Social nos 48075 s.