Lorsque tout ou partie d’une créance est discutée dans le cadre de la procédure de vérification des créances d'une entreprise faisant l'objet d'une procédure collective, le mandataire judiciaire en informe le créancier concerné et l’invite à présenter ses explications ; le créancier qui ne répond pas dans les trente jours ne peut plus ensuite contester la proposition du mandataire sauf si la discussion porte sur la régularité de la déclaration de la créance (C. com. art. L 622-27). Il ne peut pas non plus faire appel de la décision du juge-commissaire si elle confirme la proposition du mandataire (art. L 624-3, al. 1).
Ce dispositif méconnaît-il le droit à un recours juridictionnel effectif que garantit l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme ?
La Cour de cassation vient de refuser de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel car elle ne présente pas un caractère sérieux. En effet, les textes précités et leur interprétation par la Cour de cassation ont pour objectif, dans l’intérêt collectif des créanciers comme dans celui du débiteur, d’accélérer et de rationaliser la vérification des créances afin de parvenir à la détermination du passif de la procédure collective. Ils exigent seulement du créancier, pour qu’il puisse participer à un débat contradictoire sur la créance déclarée, de répondre dans les trente jours de la réception effective de la lettre de contestation de sa créance émanant du mandataire judiciaire, laquelle contient obligatoirement la proposition explicite du mandataire concernant le sort de la créance et un avertissement du créancier quant aux conséquences de son abstention par la reproduction de l’article L 622-27. Ils n’interdisent pas au créancier d’exercer un recours contre l’ordonnance du juge-commissaire ayant confirmé la proposition du mandataire judiciaire, pour contester l’application de la sanction prévue par ce texte, en soutenant avoir respecté le délai de réponse, ou que ce délai n’a pas couru. Ces textes ne portent donc pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif, au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi.
A noter : 1. Comme toute disposition qui prive une partie d'une voie de recours, l’article L 622-27 du Code de commerce est d'interprétation stricte (Cass. com. 28-6-2017 n° 16-12.382 FS-PBI : RJDA 12/17 n° 825). Cette sanction ne s’applique pas lorsque le créancier n’a pas répondu au mandataire judiciaire qui s’est contenté de lui notifier l’existence d’une instance en cours (Cass. com. 15-3-2005 n° 00-19.918 FS-PB : RJDA 7/05 n° 852) ou qui a contesté tant la régularité de la déclaration de créance que l’existence, la nature ou le montant de la créance (Cass. com. 28-6-2017 précité). Le créancier ne peut pas être considéré comme défaillant au sens de l’article L 622-27, même en l’absence de réponse au mandataire judiciaire, dès lors que, convoqué devant le juge-commissaire dans le délai de trente jours, il a comparu devant lui (Cass. com. 7-12-2004 n° 03-16.321 FS-PB : RJDA 4/05 n° 429) ni lorsque sa réponse au mandataire est incomplète, insatisfaisante ou difficilement compréhensible (Cass. com. 15-10-2002 n° 99-11.873 F-D : RJDA 2/03 n° 160) ni encore si, ayant répondu à une première contestation, il ne répond pas aux suivantes qui portent sur la même créance (Cass. com. 28-6-2017 n° 16-16.614 FS-PBI : RJDA 11/17 n° 741).
En tout état de cause, le créancier conserve la faculté de contester son absence de réponse au mandataire dans le délai requis (Cass. com. 21-1-2003 n° 99-20.557 F-D : RJDA 8-9/03 n° 860) ainsi que l'ordonnance du juge-commissaire qui ne suit pas la proposition faite par le mandataire (Cass. com. 1-4-2003 n° 99-18.545 F-D : RJDA 10/03 n° 984 ; Cass. com. 16-6-2015 n° 14-11.190 F-PB : RJDA 10/15 n° 684).
2. L’article L 622-27 du Code de commerce exclut du dispositif les créances résultant d’un contrat de travail. Le salarié, dont la créance ne figure pas en tout ou partie sur le relevé établi par le mandataire judiciaire, peut saisir le conseil des prud’hommes dans les deux mois de la publicité du dépôt du relevé au greffe du tribunal (C. com. art. L 625-1).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 61850 et 61886