Une SCI appartenant à un groupe de sociétés conclut un contrat de crédit-bail immobilier auprès d’un établissement financier puis sous-loue l'immeuble à la société holding du groupe. En garantie de l'exécution du contrat de crédit-bail, la holding consent au crédit-bailleur un nantissement sur les parts qu'elle détient dans le capital de la SCI.
La SCI et la société holding font l'objet d'une procédure collective et le crédit-bailleur déclare alors sa créance au passif de la procédure de la holding, à titre privilégié en vertu du nantissement. En tant que bénéficiaire d'une sûreté réelle garantissant la dette d'un tiers (la SCI), le crédit-bailleur pouvait, soutient-il, déclarer une créance au passif du garant : si le nantissement de parts sociales ne constitue pas un engagement personnel à la dette d'autrui, il confère néanmoins à son bénéficiaire, en cas de vente du bien nanti, le droit de percevoir la quote-part du prix correspondant au montant garanti ; à ce titre, le titulaire du nantissement dispose à l'égard du détenteur du bien nanti d'un droit de créance limité à la valeur de ce bien affecté en garantie.
Argument écarté par la Cour de cassation : une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l'obligation d'autrui, le créancier bénéficiaire de la sûreté ne peut pas agir en paiement contre le constituant, qui n'est pas son débiteur.
Par suite, la demande d’admission du crédit-bailleur, dès lors qu’il n'était pas créancier de la société holding au titre du nantissement, devait être rejetée.
A noter :
Solution inédite.
Lorsque le débiteur d'une somme d'argent est l'objet d'une procédure collective, l'article L 621-40 du Code de commerce interdit à ses créanciers de le poursuivre en recouvrement de leurs créances. A partir de la publication du jugement d'ouverture, ils doivent déclarer leurs créances au représentant des créanciers. A défaut, ils ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes, à moins qu'ils ne soient relevés de la forclusion (C. com. art. L 622-24 s.).
Le créancier bénéficiaire d'une sûreté réelle ne garantissant pas la dette du garant, appelée en pratique « cautionnement réel », peut-il déclarer sa créance à la procédure collective du garant ? Non, répond la Cour de cassation, car il n’est pas créancier de ce dernier.
En 1998, elle avait jugé que le créancier bénéficiaire d'un cautionnement réel ou personnel devait déclarer sa créance au passif de la caution soumise à une procédure collective car il disposait à l'égard de la caution d'un droit de créance en cas de défaillance du débiteur principal, ce droit étant limité aux biens affectés à la garantie de l'engagement lorsqu'il s'agit d'un cautionnement réel (Cass. com. 27-10-1998 n° 96-14.037 P : RJDA 3/99 n° 311).
La solution demeure vraie en cas de cautionnement personnel, mais non pour le cautionnement réel. La Haute Juridiction a, en effet, ensuite posé pour principe qu’il s’agit d’une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers qui, n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui, n'est pas un cautionnement (Cass. ch. mixte 2-12-2005 n° 03-18.210 P : RJDA 2/06 n° 197 ; Cass. 1e civ. 28-2-2006 n° 02-10.602 FS-PB : RJDA 8-9/06 n° 954 ; Cass. com. 24-3-2009 n° 08-13.034 FS-PBI : RJDA 6/10 n° 679 ; Cass. 3e civ. 12-4-2018 n° 17-17.542 FS-PBI : RJDA 6/18 n° 534).
La Cour de cassation tire une nouvelle conséquence de ce principe : le bénéficiaire d’un cautionnement réel ne peut pas déclarer la créance au passif de la « caution » soumise à une procédure collective. En revanche, elle ne se prononce pas sur le sort du droit réel du bénéficiaire de la garantie.
Sophie CLAUDE-FENDT
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 55900 et 62567
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