Une société française conclut avec une société iranienne un contrat de construction d’une structure de stockage de gaz naturel en Iran. Le contrat contient une clause d’arbitrage qui prévoit « la compétence d’un tribunal arbitral si un litige ou différend de quelque nature que ce soit survient entre la société et le contractant en relation avec ou découlant du contrat ou de l’exécution des travaux ou après leur achèvement, et que ce soit avant ou après la résiliation, l’abandon ou la rupture du contrat ». Des garanties bancaires sont émises au profit de la société iranienne par une banque iranienne, contre garanties par une banque française. La société iranienne transfère ultérieurement le contrat de construction à une autre société iranienne. Cette dernière résilie ensuite ce contrat, reprochant à la société française des manquements dans son exécution.
Les garanties et contre-garanties bancaires étant alors appelées, la société française demande au tribunal de commerce de Paris de prononcer leur nullité : elle soutient qu'elles ne sont pas valables car elles n'ont pas été transférées à la seconde société iranienne en même temps que le contrat de construction.
Saisie du litige, la cour d’appel de Paris juge le tribunal de commerce incompétent. En effet, en présence d’une clause compromissoire, alors même que le tribunal arbitral n’est pas saisi, le juge étatique doit se déclarer incompétent, à moins qu’un examen sommaire ne lui permette de constater la nullité ou l’inapplicabilité manifeste de la clause, priorité étant réservée à l’arbitre auquel il appartient de statuer sur sa propre compétence pour juger de la validité et de l’efficacité de cette clause (CPC art. 1448 et 1506).
En l’espèce, la question de savoir si les garanties avaient été cédées en même temps que le contrat contenant la clause d'arbitrage entretenait un lien évident avec celui-ci. En outre, la société de construction indiquait elle-même que tout l’équilibre et la faisabilité du projet reposaient sur un système de garanties et que les garanties et contre-garanties avaient été émises en application du contrat.
Par suite, la clause compromissoire n’était pas manifestement inapplicable et le tribunal arbitral était prioritairement compétent pour se livrer à son interprétation afin de déterminer si l’action entrait dans son champ d’application, peu important que la banque iranienne n'ait pas signé le contrat de construction, l'effet relatif des contrats n'étant pas de nature à faire obstacle au renvoi du litige à l'arbitrage.
A noter :
La clause d'arbitrage doit être appliquée à tous les litiges qui présentent un lien avec le contrat, tel celui se rapportant aux conditions dans lesquelles il a été mis fin au contrat et aux conséquences qui en résultent (Cass. 1e civ. 8-7-2010 n° 09-67.013 FS-PBI : D. 2010 p. 1797 obs. X. Delpech).
Il a déjà été jugé que la clause compromissoire insérée dans un contrat international a une validité et une efficacité propres qui commandent d'en étendre l'application aux parties directement impliquées dans l'exécution du contrat et dans les litiges qui peuvent en résulter, dès lors qu'il est établi que leur situation et leurs activités font présumer qu'elles ont eu connaissance de l'existence et de la portée de la clause d'arbitrage, bien qu'elles n'aient pas été signataires du contrat la stipulant ; la circonstance que l'implication du tiers dans l'exécution du contrat stipulant la clause résulte d'obligations contractées en vertu d'un autre contrat n'exclut pas que cette implication emporte extension de la clause compromissoire à ce tiers (CA Paris 18-12-2018 n° 16/24924).