L’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque des travailleurs indépendants fournissent directement ou par personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions les plaçant dans un lien de subordination juridique permanente à son égard (C. trav. art. L 8221-6, II).
En l’espèce, un coursier ayant conclu un contrat de prestation de services avec une société utilisant une plateforme numérique et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous le statut de travailleurs indépendants, saisit la juridiction prud’homale afin de solliciter la requalification de son contrat en un contrat de travail.
Pour rejeter sa demande et se déclarer incompétente pour connaître du litige, la cour d’appel, après avoir constaté l’existence d’un système de bonus et de malus évocateur du pouvoir de sanction qu'a un employeur, juge que ce système ne suffit pas à caractériser un lien de subordination liant le coursier à la plateforme numérique. En outre, celui-ci disposait d’une liberté totale de travailler ou non : il restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n’en sélectionner aucune.
La chambre sociale de la Cour de cassation ne partage pas cette analyse.
L’existence d’un lien de subordination dépend des conditions d’exercice de la prestation
Après avoir rappelé que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité (Cass. soc. 23-4-1997 n° 94-40.909 P : RJS 6/97 n° 645 ; Cass. soc. 20-1-2010 no 08-42.207 FP-PBR : RJS 4/10 no 303) et que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Cass. soc. 13-11-1996 no 94-13.187 PBR : RJS 12/96 no 1320), la Cour de cassation censure la décision des juges du fond.
Un système de géolocalisation et le pouvoir de sanction caractérisent le lien de subordination
Sa décision s’appuie sur deux éléments. Tout d’abord, l’application utilisée par la société était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réelde laposition du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres qu’il parcourait, de sorte que le rôle de la plateforme ne se limitait pas à la mise en relation du restaurateur, du client et du coursier. Par ailleurs, la société disposait d’un pouvoir de sanction à son égard. Il en résultait donc l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination. Dès lors, les juges du fond ne pouvaient pas écarter la requalification du contrat de prestation de services en un contrat de travail.
Valérie DUBOIS
Pour en savoir plus sur les éléments constitutifs du contrat de travail : voir Mémento Social nos 16360 s.