1. Poursuivant les objectifs initiés par la loi 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, la loi de programmation et de réforme de la justice, qui comporte 110 articles, a été promulguée le 23 mars 2019 et publiée le lendemain. La loi comprend notamment un important volet sur les modes alternatifs de règlement des différends, dont nous présentons ci-dessous les mesures pouvant intéresser le droit des affaires (à l'exclusion, donc, des dispositions sur la médiation familiale).
Pour un tour d'horizon complet des principales dispositions issues de la loi de réforme de la justice, voir le BRDA 8/19 inf. 20.
Obligation de tenter une résolution amiable
2. Depuis la loi de modernisation de la justice de 2016, avant de saisir le tribunal d'instance, donc pour les litiges d’un montant inférieur à 10 000 €, les parties doivent, sauf exceptions, avoir tenté une conciliation devant un conciliateur de justice ou justifier d'autres diligences pour parvenir à une résolution amiable de leur litige, à peine d'irrecevabilité de leur demande (Loi 2016-1547 du 18-11-2016 art. 4).
Pour prendre en compte la future fusion des tribunaux d’instance et de grande instance, ces dispositions seront modifiées à compter du 1er janvier 2020 (Loi 2019-222 art. 3, II et 109, I).
Quand une demande relevant du tribunal de grande instance (futur tribunal judiciaire, voir BRDA 8/19 inf. 20, n°s 3 s.), tendra au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant ou sera relative à un conflit de voisinage, la saisine de ce tribunal devra, à peine d’irrecevabilité que le juge pourra prononcer d’office, être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation (par un conciliateur de justice), ou de médiation (dans les conditions de la loi 95-125 du 8 février 1995), ou encore de procédure participative, sauf quand (Loi 2016-1547 du 18-11-2016 art. 4 modifié) :
- l’une des parties au moins sollicitera l’homologation d’un accord ;
- l’exercice d’un recours préalable auprès de l’auteur d’une décision sera imposé ;
- l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable prévus sera justifiée par un motif légitime, notamment l’indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable ;
- le juge ou une autorité administrative devra, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
- le litige sera relatif à l’application des dispositions d’ordre public du Code de la consommation sur le crédit (Livre III, Chapitres II et III et section 2 à 7 du chapitre IV).
3. Un décret définira les modalités d’application de ces dispositions, notamment les matières entrant dans le champ des conflits de voisinage ainsi que le montant en-deçà duquel les litiges seront soumis à l’obligation.
Par ailleurs le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2019 a précisé que, s'agissant d'une condition de recevabilité d'un recours contentieux, il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d'indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment dans le cas où le litige présente un caractère urgent. Sous cette réserve, le grief tiré d'une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif a été écarté.
4. En étendant l’obligation pour les justiciables de tenter une résolution amiable de leur différend avant de recourir au juge, le législateur entend permettre le désengorgement des tribunaux et favoriser des modalités plus apaisées et plus rapides de règlement des différends. *
Pouvoirs du juge d’imposer un médiateur à tout moment
5. Depuis le 25 mars 2019, le juge peut, en tout état d’une procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible, s’il n’a pas recueilli l’accord des parties, leur enjoindre de rencontrer un médiateur qu’il désigne. En outre, la disposition selon laquelle un médiateur ne pouvait pas être désigné par le juge pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps a été supprimée (Loi 2019-222 art 3, I ; Loi du 8-2-1995 art. 22-1 modifié).
Les opposants à ce texte ont critiqué la faculté pour le juge de solliciter un médiateur dès lors que l’accès à celui-ci est rarement gratuit (à la différence d’un conciliateur).
Par ailleurs, lorsque le juge ordonne une médiation dans une décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, les dispositions sur la durée de la médiation, son renouvellement et la rupture anticipée de la médiation ne sont pas applicables (Loi du 8-2-1995 art. 22-3 modifié).
Services en ligne de médiation, conciliation ou arbitrage
6. La loi nouvelle modifie la loi de modernisation de la justice qui prévoit désormais qu’une sentence arbitrale peut être rendue sous forme électronique, sauf opposition de l’une des parties (Loi 2019-222 art. 4 ; Loi 2016-1547 du 18-11-2016 art. 4-2, al. 2 nouveau).
Les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne de conciliation, de médiation judiciaires ou d’arbitrage sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et, sauf accord des parties, de confidentialité. Le service en ligne doit délivrer une information détaillée sur les modalités selon lesquelles la résolution amiable est réalisée ou l’arbitrage rendu (Loi 2019-222 art. 4 ; Loi du 18-11-2016 art. 4-1 et 4-2, al. 1 nouveaux).
Les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne d’aide à la saisine des juridictions sont, elles aussi, soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et de confidentialité (Loi 2019-222 art. 4 ; Loi 2016-1547 du 18-11-2016 art. 4-4 nouveau). **
7. Les services en ligne de médiation, conciliation ou arbitrage ne peuvent avoir pour seul fondement un traitement algorithmique ou automatisé de données à caractère personnel. Lorsque ce service est proposé à l’aide d’un tel traitement, les parties doivent en être informées par une mention explicite et doivent expressément y consentir. Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre doivent être communiquées par le responsable de traitement à toute partie qui en fait la demande. Le responsable doit s’assurer de la maîtrise du traitement et de ses évolutions afin de pouvoir expliquer, en détail et sous une forme intelligible, à la partie qui en fait la demande la manière dont le traitement a été mis en œuvre à son égard (Loi 2019-222 art. 4 ; Loi du 18-11-2016 art. 4-3 nouveau).
8. Les personnes physiques ou morales qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement des services en ligne de médiation, de conciliation ou d’arbitrage doivent accomplir leur mission avec impartialité, indépendance, compétence et diligence. La révélation par ces personnes d'une information à caractère secret est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (Loi 2019-222 art. 4 ; Loi du 18-11-2016 art. 4-6).
9. Après parution d’un décret, les services en ligne fournissant des prestations de conciliation, de médiation, ou d’arbitrage pourront faire l’objet d’une certification par un organisme accrédité. Cette certification sera accordée au service en ligne qui en fera la demande, après vérification du respect des exigences légales. Par exception, la certification sera accordée de plein droit aux conciliateurs de justice, aux médiateurs de la consommation inscrits (C. consom. art. L 615-1), ainsi qu’aux personnes inscrites sur la liste des médiateurs prévue par la loi 95-125 du 8 février 1995 (art. 22-1 A). Les conditions de délivrance et de retrait de la certification ainsi que les conditions dans lesquelles sera assurée la publicité de la liste des services en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage seront précisées par décret (Loi 2019-222 art. 4 ; Loi du 18-11-2016 art. 4-7 nouveau).
* Médiation, conciliation et procédure participative
La médiation (Loi du 8-2-1995 art. 21 s. et CPC art. 131-1 s.) et la conciliation par un conciliateur de justice (Décret 78-381 du 20-3-1978 et CPC art. 1536 s.) présentent des différences. Notamment, le rôle du conciliateur de justice est généralement plus directif que celui du médiateur dans la recherche d’une solution amiable ; le conciliateur est un bénévole qui ne peut pas être rémunéré par les parties, contrairement au médiateur.
La procédure participative consiste quant à elle à une recherche de solution amiable par les parties, avec l’assistance de leurs avocats (C. civ. art. 2062 s. et CPC art. 1542 s.).
** Exercice de certaines prestations juridiques ou judiciaires par des services en ligne
Les personnes physiques ou morales proposant un service en ligne de conciliation, de médiation, d’arbitrage ou d’aide à la saisine des juridictions ne peuvent réaliser des actes d’assistance ou de représentation en justice « que dans les conditions prévues à l’article 4 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 » régissant certaines professions judiciaires et juridiques ; elles ne peuvent donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé « qu’à la condition de respecter les obligations résultant de l’article 54 de la même loi » (Loi 2019-222 art. 4 ; Loi 2016-1547 art. 4-5 nouveau).
Il en résulte qu’un prestataire de services en ligne ne peut représenter ou assister une personne en justice que par l’intermédiaire d’un avocat et que les membres de la plateforme en ligne qui donnent des consultations et rédigent des actes juridiques doivent répondre à certains critères (diplôme, compétence, agrément, absence de condamnation, etc.).
Pour en savoir plus : voir nos vidéos sur la médiation
Pourquoi recourir à la médiation ?