La loi 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », a, comme l'indique son intitulé, un champ d'application particulièrement vaste.
Poursuivant un objectif de « modernisation de la vie économique », cette loi comporte diverses dispositions en matière bancaire et de marchés financiers, relativement techniques, mais présentant un intérêt certain pour les professionnels des secteurs bancaire et financier.
I Financements syndiqués - Modernisation du régime de l'agent des sûretés
La loi Sapin 2 a créé un article 2328-1 dans le Code civil, permettant à plusieurs créanciers d'une obligation, bénéficiant de sûretés réelles en garantie de cette obligation, de désigner un « agent des sûretés » et de le charger de constituer, inscrire, gérer et réaliser pour leur compte des sûretés réelles.
Bien qu'utilisé par les praticiens, entre autres dans le domaine des financements bancaires syndiqués, ce régime laisse ouvertes de nombreuses interrogations, notamment quant à sa nature juridique exacte.
Il est, en outre jugé trop contraignant ou restrictif sur certains aspects.
La loi « Sapin 2 » propose de renforcer l'attractivité de ce mécanisme en habilitant le gouvernement dans son article 117 I, 2, a) à en modifier et à en préciser le régime par voie d'ordonnance d'ici le 9 octobre 2017 (soit dix mois après la promulgation de la loi).
L'agent des sûretés deviendra, selon les orientations définies par la loi, titulaire des sûretés et garanties qui seront constituées en son nom et affectées à un patrimoine créé pour les besoins de sa mission.
Ce patrimoine serait un patrimoine distinct, séparé du patrimoine propre de l'agent des sûretés. Il serait ainsi immunisé contre les éventuels recours exercés à l'encontre de l'agent des sûretés par des tiers créanciers de ce dernier, ou encore contre les conséquences d'une procédure collective affectant l'agent des sûretés.
Ce dernier pourra également, dans la limite des pouvoirs qui lui auront été conférés par les créanciers de l'obligation garantie, les représenter, intenter une action pour défendre leurs intérêts, y compris en justice, et procéder à la déclaration des créances garanties en cas de procédure collective ouverte à l'encontre du débiteur de l'obligation garantie.
Par ailleurs, l'emploi de la formule « sûretés et garanties », qui devrait inclure les sûretés personnelles et les garanties, telles que le cautionnement ou la garantie autonome, est de nature à accroître le rôle de l'agent des sûretés jusqu'à présent limité à la gestion des sûretés réelles.
En outre, la loi ne reprend pas la nécessité de désigner l'agent des sûretés dans l'acte constitutif de la sûreté, contrairement à ce que prévoit l'actuel article 2328-1 du Code civil.
Enfin un agent des sûretés provisoire pourra être désigné si le premier manque à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui lui sont confiés.
II Cautionnement - Interdiction de facturer à la caution les frais d'information annuelle de la caution
Tout établissement de crédit ou société de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition d'un cautionnement doit informer chaque année la personne qui s'est portée caution du montant du principal et des intérêts, ainsi que commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente (C. mon et fin. art. L313-22).
Dans la pratique, l'on constatait que les établissements bancaires facturaient à la caution un forfait destiné à couvrir le coût de cette information.
L'article 84 de la loi « Sapin 2 » interdit désormais aux banques de pratiquer une telle facturation auprès des cautions.
III Contrats financiers risqués - Interdiction de publicité par voie électronique à destination des non-professionnels
L'article 72 de la loi « Sapin 2 » interdit les communications à caractère promotionnel directes ou indirectes par voie électronique à destination de clients susceptibles d'être non professionnels, notamment des clients potentiels, relatives à la fourniture de services d'investissement portant sur des contrats financiers spéculatifs et risqués, non admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociations.
Se fondant sur l'étude d'impact réalisée par l'Autorité des marchés financiers, qui a constaté « une forte hausse des plaintes d'épargnants ayant investi sur des plateformes internet » proposant de tels contrats financiers, le législateur a ainsi entendu renforcer la protection des épargnants non-professionnels.
Sont visés par cette interdiction de publicité, les contrats financiers négociés de gré à gré dont le risque maximal n'est pas connu lors de leur conclusion, ceux dont le risque de perte est supérieur au montant de l'apport financier initial et enfin, ceux dont le risque de perte rapporté aux avantages éventuels correspondants n'est pas raisonnablement compréhensible au regard de leur nature particulière (soit, en pratique, des contrats financiers spéculatifs tels que des « CFD », options binaires ou rolling spot forex).
Le non-respect de cette interdiction par les prestataires de services d'investissement est susceptible d'entraîner des sanctions de la part de l'Autorité des marchés financiers.
A noter, par ailleurs, que cette interdiction de publicité doit être également observée par les annonceurs, acheteurs d'espaces publicitaires ou autre diffuseur de publicité, sous peine d'amende administrative d'un montant maximum de 100 000 €.
Par André Watbot, avocat associé du cabinet Cornet Vincent Ségurel.
Voir aussi La Quotidienne du 21 décembre 2017