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Pas de majoration de 40 % pour le bénéficiaire d'une assurance-vie requalifiée en donation indirecte

Dès lors que leur intention d’échapper aux droits de mutation à titre gratuit n’est pas démontrée, les bénéficiaires d’une assurance-vie requalifiée en donation indirecte ne sauraient se voir appliquer par l’administration une majoration de 40 % pour manquement délibéré.

CA Versailles 12-10-2021 n° 20/03376


Par Rémy FOSSET
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©iStock

Une femme souscrit en 1989, à l’âge de 76 ans, un contrat d’assurance-vie sur lequel elle verse 6 000 francs. Elle effectue deux versements complémentaires de 750 000 euros en 2014 et 2015, à l’âge de 101 ans, puis décède six mois plus tard. Les bénéficiaires du contrat se révèlent être deux époux, dont la curatrice de la défunte. Ils perçoivent chacun 634 000 euros après application du prélèvement spécifique (CGI art. 990 I, I). L’administration invoque alors la requalification du contrat en donation indirecte et propose une rectification de 489 000 euros à chacun des époux, correspondant aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG) au taux de 60 % (déduction faite de la somme acquittée au titre du prélèvement), auxquels s’ajoutent les intérêts de retard et une majoration de 40 % pour manquement délibéré à leurs obligations déclaratives (CGI art. 1729, a).

La cour d’appel confirme la requalification du contrat d’assurance-vie en donation et l’assujettissement de l’opération aux DMTG, mais invalide la majoration de 40 % pour manquement délibéré des bénéficiaires. Elle retient notamment que :

  • malgré la qualité de curatrice de l’épouse, il n’est pas établi de manière certaine qu’ils ont eu connaissance de la clause les désignant comme bénéficiaires, qu’ils n’ont acceptée qu’après le décès de la souscriptrice, et de la volonté de cette dernière de les gratifier ;

  • il ne peut pas leur être reproché de ne pas avoir relevé eux-mêmes que le contrat devait s’analyser en réalité en une donation indirecte ; une telle situation, assez exceptionnelle, dépend en effet des circonstances et suppose de connaître la jurisprudence en la matière.

Ainsi, l’intention des époux de se soustraire aux DMTG n’est pas démontrée et il y a lieu de faire droit à leur demande de décharge des pénalités pour manquement délibéré.

A noter :

La requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte est parfois invoquée par l’administration fiscale afin de taxer l’opération aux DMTG, mais aussi par les héritiers évincés du bénéfice du contrat afin de soumettre le capital aux règles du rapport et de la réduction (pour une illustration en matière fiscale, Cass. ch. mixte 21-12-2007 n° 06-12.769 FS-PBRI ; pour une illustration en matière civile, Cass. 1e civ. 26-10-2011 n° 10-24.608 F-D : BPAT 6/11 inf. 364). Elle implique la réunion de trois éléments : l’intention libérale du souscripteur, sa volonté de se dépouiller immédiatement et irrévocablement et l’acceptation des bénéficiaires (C. civ. art. 894).

En l’espèce, pour caractériser l’intention libérale, les juges ont notamment retenu :

  • les liens privilégiés que la défunte entretenait avec les bénéficiaires, qui vivaient près de chez elle et s’occupaient de la gestion de ses biens, l’épouse étant sa curatrice et l’époux le fils de sa légataire universelle ;

  • l’importance des deux primes versées, 1 500 000 euros, alors que le contrat n’avait jamais été abondé depuis 25 ans ;

  • l’absence d’utilité des primes versées, en raison de la faible rentabilité du contrat d’assurance-vie comparée à celle du portefeuille de titres cédé pour réaliser l’opération.

Concernant le dessaisissement actuel et irrévocable de la souscriptrice, les juges ont précisé qu’il devait s’analyser au moment du versement des sommes litigieuses sur le contrat, la prime versée 25 ans plus tôt étant insignifiante. Puis ils ont retenu :

  • l’âge de la souscriptrice (101 ans) lors du versement des primes, qui fait qu’elle ne pouvait qu’avoir conscience de la survenance prochaine de son décès, finalement intervenu 6 mois après ;

  • le caractère illusoire et purement théorique de sa faculté de rachat.

Enfin, les juges ont rappelé que l’acceptation des bénéficiaires pouvait intervenir après le décès du souscripteur et résulter de l’attribution du bénéfice du contrat, ce qui était le cas en l’espèce.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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