L'article L 311-3 du CSS assimile, au regard de la sécurité sociale, certains dirigeants de société à des salariés en raison de l'exercice de leur mandat social. Parmi ces dirigeants figurent les gérants de société à responsabilité limitée (SARL) dès lors que ceux-ci ne possèdent pas ensemble plus de la moitié du capital social et qu'ils perçoivent une rémunération. Les intéressés relèvent du régime général de la sécurité sociale en tant que salarié et non en tant que travailleur indépendant.
Pour évaluer la participation au capital de la SARL, sont prises en compte les parts détenues en pleine propriété ou en usufruit par les gérants, leur conjoint ou partenaire lié par un Pacs, et leurs enfants mineurs non émancipés.
Les parts appartenant au conjoint doivent être prises en considération quel que soit le régime matrimonial des époux (CA Bordeaux 19-9-1997), même si ceux-ci, en instance de divorce, sont en conflit d'intérêts (Cass. soc. 22-3-1990 n° 87-16.376) ou s'ils sont séparés de corps en application d'une décision judiciaire (CA Rouen 19-11-2002 n° 02-819).
Dans l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles, se posait la question de savoir si la prise en compte des parts du conjoint s'impose également en cas de mariage célébré entre deux ressortissants étrangers dans l'État dont ceux-ci ont la nationalité, en l'occurence la Corée du Sud.
En l'espèce, un gérant de SARL contestait les contraintes qui lui avaient été décernées pour le règlement de cotisations sociales personnelles dues en tant que travailleur indépendant. Il faisait valoir, à cette fin, qu'il n'avait plus la qualité de gérant majoritaire de SARL, et donc de travailleur indépendant, depuis la cession de ses parts sociales à son conjoint. Il prétendait ainsi que les parts ainsi cédées ne pouvaient pas être prises en considération pour apprécier sa participation dans le capital social de la société en raison de l'absence d'homologation et donc d'effets de son mariage en France.
La cour d'appel de Versailles valide néanmoins les contraintes en se fondant sur le principe du droit international privé selon lequel les conditions de fond du mariage comme la qualité de conjoint sont régies par la loi personnelle des époux, soit en l'espèce la loi sud-coréenne. Dès lors le mariage célébré entre les intéressés ne donne lieu à aucune contestation, celui-ci confère à ces derniers la qualité de conjoint au sens et pour l'application des dispositions de l'article L 311-3, 11 ° du CSS.
A noter :
Cet arrêt rappelle ainsi que les règles du droit de la sécurité sociale n’excluent pas l’application de celles des autres branches du droit, notamment du droit des personnes et de la famille. Certes, le droit de la sécurité sociale est souvent indifférent aux catégories du droit civil : il en va ainsi des règles relatives aux prestations familiales qui ouvrent la qualité d’allocataire à celui qui assume en fait la charge de l’enfant, peu important les liens ou l’absence de lien de parenté entre l’allocataire et l’enfant. En revanche, si les règles du droit de la sécurité sociale font appel aux liens familiaux, ce sont les règles du droit civil qui s'appliquent pour apprécier ces liens. Il en va ainsi, en particulier, en matière d’assurance vieillesse, pour la détermination du bénéficiaire des droits de réversion qui procéde de l’application des règles du droit civil, y compris celles relatives au mariage putatif (pour un exemple récent, voir Cass. 2e civ. 21-10-2021 n° 20-17.462 F-B).
Documents et liens associés
CA Versailles 10-3-2022 n° 21/01831, L. c/ Urssaf d'Ile-de-France