Un époux introduit une requête en divorce. Lors de l’audience de conciliation, il dépose des conclusions faisant état de griefs à l’encontre de son épouse de nature à fonder sa demande en divorce. L’épouse soulève l’irrecevabilité de ces écritures et de la requête. La cour d’appel l’approuve.
L’arrêt est cassé aux visas des articles 251 du Code civil et 1106 du Code de procédure civile. Ces textes, qui interdisent de faire état dans la requête en divorce, des motifs du divorce, ne s’appliquent pas aux écritures déposés par les parties à l’appui de leurs observations orales lors de l’audience de conciliation. De même, la teneur des conclusions ne peut affecter la régularité de la requête.
À noter : Jusqu'à présent, selon la doctrine et la pratique générale, les motifs d’un divorce contentieux devaient être indiqués, au plus tôt, dans l’assignation (sous réserve de la possibilité d’accepter la rupture lors de l’audience de conciliation). Il est en effet prévu que :
- l’époux qui veut divorcer présente une requête « sans indiquer les motifs du divorce » (C. civ. art. 251) ;
- « La requête n'indique ni le fondement juridique de la demande (…) ni les faits à l'origine de celle-ci ; elle contient les demandes formées au titre des mesures provisoires et un exposé sommaire de leurs motifs » (CPC art. 1106, al. 1) ;
- « Après l'ordonnance de non-conciliation, un époux peut introduire l'instance ou former une demande reconventionnelle pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute » (C. civ. art. 257-1, al. 1 ).
La cour d’appel a d’ailleurs considéré que « les conclusions visées à l'audience de conciliation sont, s’agissant d’une procédure orale, assimilées à la requête en divorce qui en est le support ; elles doivent donc obéir aux mêmes principes et ne pas mentionner les motifs du divorce ».
La Cour de cassation n’est pas de cet avis puisque, distinguant la requête des conclusions ultérieures, elle admet que les griefs puissent être invoqués dès la première phase de la procédure. C’est la première fois, à notre connaissance, qu’elle se prononce sur ce point. Sa position est conforme à la lettre des textes précités, qui se contentent d’exclure les motifs du divorce de la requête. Elle est, en revanche, plus éloignée de l’esprit de la loi de 2004 qui a voulu favoriser le dialogue des parties en évitant de cristalliser les conflits trop tôt.
Cette jurisprudence ne paraît pas directement transposable dans le cadre de la réforme de la procédure des divorces contentieux car la question ne se pose pas de la même façon. D’une part, la loi du 23 mars 2019 prévoit la suppression de la phase de conciliation le 1er septembre 2020 au plus tard. D’autre part, elle indique dans quel acte les motifs du divorce peuvent ou doivent être invoqués. « L’époux qui introduit l’instance en divorce peut indiquer les motifs de sa demande si celle-ci est fondée sur l’acceptation du principe de la rupture du mariage ou l’altération définitive du lien conjugal. Hors ces deux cas, le fondement de la demande doit être exposé dans les premières conclusions au fond » (C. civ. art. 251 issu de la loi 2019-222 du 23-3-2019). Le décret d’application de la loi n’étant pas encore paru, il n’est pas encore possible de préciser quelle sera le déroulement de cette phase unique. Néanmoins, s’agissant du divorce pour faute, les griefs ne pourront pas être évoqués dans les conclusions tendant à fixer les mesures provisoires, celles-ci ne relevant pas du « fond ».
Olivier DESUMEUR
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n° 9130