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Messagerie instantanée des salariés : quel contrôle de l’employeur ?

L’employeur ne peut pas consulter les conversations d’un salarié sur une messagerie instantanée personnelle sans méconnaître le secret des correspondances.

Cass. soc. 23-10-2019 n° 17-28.448 F-D


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Il y a encore peu de jurisprudence sur le contrôle par l’employeur d’une messagerie instantanée installée sur l’ordinateur professionnel, mais on peut d’ores et déjà établir une distinction selon qu’il s’agit d’une messagerie professionnelle ou d’une messagerie strictement personnelle.

La messagerie instantanée personnelle est protégée par le secret des correspondances

Une salariée engagée en qualité de secrétaire est licenciée pour faute grave, l’employeur lui reprochant d’avoir, au moyen d’une messagerie instantanée installée sur son ordinateur professionnel, communiqué à une autre salariée des documents confidentiels à propos de collègues, qu’elle n’aurait dû ni consulter ni divulguer.

La salariée conteste son licenciement, jugeant que l’employeur a accédé à ces échanges en violation du secret des correspondances.

Et en effet, les juges du fond reconnaissent une violation par l’employeur du secret des correspondances de la salariée, s’agissant d’une messagerie instantanée personnelle : les faits se déroulent en 2006 et la salariée utilise « msn ».

La Haute Juridiction donne raison à la salariée en appliquant le raisonnement déjà adopté à propos des courriels adressés ou reçus sur une messagerie personnelle, distincte de la messagerie professionnelle, lesquels sont nécessairement à caractère privé et couverts par le secret des correspondances (Cass. soc. 26-1-2016 no 14-15.360 FS-PB ; Cass. soc. 7-4-2016 no 14-27.949 F-D).

Il en résulte que l’employeur ne peut valablement ni les consulter ni s’en prévaloir devant le juge même si cette messagerie personnelle a été installée ou consultée par le salarié sur l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur.

On rappelle en outre que le délit de violation du secret des correspondances est passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (C. pén. 226-15).

A notre avis : En revanche, même s’il n’a pas le droit de consulter les messages échangés sur la messagerie personnelle, dans la mesure où le salarié s’y connecte au moyen de son ordinateur professionnel et, peut-on le supposer, sur son temps de travail, une utilisation excessive de cette messagerie instantanée personnelle devrait pouvoir être sanctionnée par l’employeur. L’utilisation du matériel informatique de l’entreprise à des fins personnelles est en effet abusive si le salarié y consacre trop de temps au détriment de son travail. L’abus, s’il est établi, peut justifier une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, le cas échéant pour faute grave (Cass. soc. 18-3-2009 no 07-44.247 F-D ; Cass. soc. 26-2-2013 no 11-27.372 F-D).

Qu’en est-il d’une messagerie instantanée professionnelle ?

La technologie a évolué depuis cette espèce et les messageries instantanées installées pour les besoins de l’activité professionnelle du salarié sont devenues courantes. Si on raisonne à partir de la jurisprudence de la Cour de cassation rendue à propos des fichiers enregistrés sur l’ordinateur et des boîtes mails professionnels, les conversations tenues sur ces messageries devraient être présumées professionnelles si elles ne sont pas explicitement identifiées comme personnelles ou privées, de sorte que l’employeur peut les contrôler librement en l’absence du salarié (Cass. soc. 18-10-2011 no 10-26.782 F-D ; Cass. soc. 16-5-2013 no 12-11.866 F-D).

Cependant, même valablement consultés, les courriels du salarié ne peuvent être invoqués à l’appui d’une sanction disciplinaire que si leur contenu est en rapport avec son activité professionnelle et ne revêt pas un caractère privé (Cass.soc. 2-2-2011 no 09-72.449 F-D, 09-72.450 F-D et 09-72.313 F-D).

Concernant les messages identifiés comme personnels, l’employeur ne peut pas les consulter hors la présence du salarié (Cass. soc. 2-10-2001 no 99-42.942 FS-PBRI). Il peut demander au juge de désigner un huissier de justice à cette fin s’il justifie d’un motif légitime. Le procès-verbal, établi par ce dernier après ouverture du courriel en présence du salarié, peut être retenu comme preuve d’un manquement de l’intéressé à ses obligations contractuelles (Cass. soc. 23-5-2007 no 05-17.818 FS-PBRI ; Cass. soc. 10-6-2008 no 06-19.229 FS-PB).

Cependant, dans la mesure où il est techniquement difficile d’identifier comme personnels certains éléments d’une messagerie instantanée professionnelle, des débats futurs pourraient s’ouvrir à l’occasion de prochains contentieux sur ces questions, notamment à l’aune d’un arrêt européen rendu à propos du contrôle par un employeur roumain des messageries instantanées professionnelles de ses salariés. À cette occasion, la Cour de Strasbourg a délivré une feuille de route à destination des juridictions nationales, invitant celles-ci à examiner notamment l’étendue de la surveillance opérée par l’employeur et le degré d’intrusion dans la vie privée du salarié, ainsi que les motifs avancés par l’employeur pour justifier cette surveillance (CEDH 5-9-2017 no 61496/08).

Aliya BEN KHALIFA

Pour en savoir plus sur le contrôle et la surveillance des salariés : voir Mémento Social nos 56000 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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