Un acte de cession de parts sociales comporte une clause de garantie par laquelle le cédant s'engage à indemniser l'acquéreur en cas de constatation d'un écart négatif de plus de 20 000 € entre les comptes de la société arrêtés un mois auparavant à fin avril 2010 et une balance comptable établie un mois avant ces comptes à fin mars de la même année. L'acquéreur des parts s'étant prévalu d'un tel écart après la cession, il demande l'exécution de la garantie.
Une cour d'appel rejette cette demande pour les raisons suivantes : aux termes de la clause de garantie, le prix de cession a été fixé en considération de l'actif et du passif de la société existant au 30 septembre 2009 ; le cédant s'était engagé envers l'acquéreur au maintien de la valeur des parts et, par conséquent, à le dédommager de toute diminution de la valeur de l'actif (à l'exception du stock) ou de tout accroissement du passif ; la garantie devait être mise en oeuvre dans l'hypothèse où les comptes arrêtés fin avril laisseraient apparaître un écart de plus de 20 000 € avec la balance arrêtée fin mars, auquel cas elle s'exercerait pour le montant supérieur à cet écart ; les parties n'ayant pas précisé les modalités de détermination de la valeur des parts cédées, notamment, l'incidence du résultat de la société dans cette détermination, il était impossible, compte tenu de cette imprécision, de déterminer l'incidence de l'écart invoqué sur la valeur des parts telle que retenue dans l'acte de cession.
La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel : l'acte de cession ne subordonnait pas la mise en oeuvre de la garantie à la démonstration d’une incidence, sur la valeur des parts cédées, d’un écart entre la balance arrêtée fin mars et les comptes arrêtés fin avril.
A noter : Solution rendue au visa de l'ancien article 1134, al. 1 du Code civil (désormais art. 1103) prévoyant que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. En l'espèce, la Cour de cassation a considéré qu’il était indifférent, pour l’application de la clause de garantie litigieuse, que celle-ci ait été présentée par les parties comme ayant pour objet le maintien de la valeur des parts cédées.
L'analyse de la cour d'appel aurait été validée par la Cour suprême si cette clause avait comporté une mention expresse conditionnant la mise en jeu de la garantie à la constatation d'une incidence de l'écart négatif en cause sur la valeur des parts. Une telle stipulation aurait alors, à notre avis, été qualifiée de clause de révision de prix (ou de garantie de valeur) ; par cette clause, le cédant s'engage à garantir l'acquéreur de la baisse de valeur des parts ou actions cédées du fait de l'apparition d'un passif et/ou de la diminution d'un élément d'actif.
Les différences de régime entre clauses de garantie de passif et clauses de révision de prix, qui n'étaient pas dans le débat, sont importantes : en cas de garantie de passif, le cédant prend en charge l'intégralité du passif nouveau (et/ou de la diminution d'actif), quel qu'en soit le montant, sauf stipulation contraire, alors que la clause de révision de prix ne l'oblige à garantir la perte de l'actif net qu'à hauteur du prix de cession, sans pouvoir être tenu au-delà de ce prix ; en outre, la clause de révision ne peut jouer qu'au profit de l'acquéreur, alors que la clause de garantie de passif peut bénéficier à la société ou à ses créanciers (jurisprudence constante).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Cession de parts et actions n° 66900