Cet arrêt constitue une illustration intéressante du principe établi de longue date par la chambre sociale de la Cour de cassation, qu’elle rappelle ici, selon lequel la durée contractuelle du travail, base de calcul de la rémunération, constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié (Cass. soc. 31-3-1999 n° 97-41.819 D). Pour la Haute Juridiction, dès lors qu'elle est expressément prévue au contrat de travail ou encore contractualisée, la durée du travail ne peut pas être unilatéralement modifiée par l'employeur. Il en est ainsi de l'augmentation comme de la réduction de la durée du travail, peu important, à cet égard, que la modification opérée n'ait pas d'impact négatif sur la rémunération (Cass. soc. 20-10-1998 n° 96-40.614 PB ; Cass. soc. 30-3-2011 n° 09-70.853 F-D).
Une nouvelle présentation du temps de travail sur le bulletin de paie...
En l’espèce, une salariée embauchée en qualité d’employée libre-service à temps partiel reprochait à son employeur d’avoir modifié unilatéralement son temps de travail. En effet, après avoir figuré sur une seule ligne de son bulletin de paie pendant 13 ans, son salaire mensuel pour 130 heures de travail faisait désormais l’objet de 2 lignes distinctes, l’une correspondant aux heures de travail proprement dites, l’autre au temps de pause. Pour la débouter de sa demande en paiement de rappels de salaire, la cour d’appel avait considéré que, nonobstant le changement d’affichage du salaire sur le bulletin de paie, elle était toujours rémunérée 130 heures, les heures de travail et les temps de pause étant payés au même taux horaire.
Pour les juges du fond, il n’y avait donc pas eu modification unilatérale du contrat de travail. Tel n’est pas l’avis de la chambre sociale de la Cour de cassation.
... nécessite l'accord exprès du salarié
Prenant soin de rappeler le principe jurisprudentiel précédemment énoncé, la Cour de cassation précise qu’en l’absence d’accord de la salariée, l’employeur ne pouvait pas modifier unilatéralement la présentation du bulletin de paie, peu important la rémunération conventionnelle du temps de pause au même taux horaire que le temps de travail. La chambre sociale se prononce au visa des articles L 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil (devenu 1103) relatifs au consentement des parties contractantes et à la bonne foi contractuelle.
On rappellera utilement que l’acceptation par le salarié d’une modification de son contrat de travail ne peut pas se déduire de la seule poursuite du travail aux nouvelles conditions ni de la remise de bulletins de paie non contestés (Cass. soc. 5-10-1993 n° 90-41.358 D ; Cass. soc. 30-9-2003 n° 01-43.232 F-D). L’acceptation par le salarié de la modification de la durée contractuelle du travail ne peut en effet résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté (Cass. soc. 16-2-1999 n° 96-45.594 P : RJS 4/99 n° 477 ; Cass. soc. 8-7-2015 n° 14-12.305 D). La chambre sociale de la Cour de cassation juge ici qu’il en va de même de la seule modification de l’affichage de la durée du travail sur le bulletin de paie.
A noter :
Cet arrêt nous amène à nous interroger sur la rémunération des temps de pause et leur inclusion dans le salaire de base, même si le moyen ne la soulève pas directement. La jurisprudence a eu à plusieurs reprises l’occasion de statuer sur des affaires dans lesquelles, à l’inverse de celle-ci, la ligne « temps de pause » était supprimée du bulletin de paie (ou n’était pas distinguée de la ligne « heures travaillées »), la question étant alors de savoir si le salaire de base avait continué à intégrer la rémunération conventionnelle au titre des temps de pause et si ces derniers avaient été ou non payés. Tout dépend des dispositions conventionnelles applicables, certaines conventions collectives assimilant le temps de pause à du travail effectif, d’autres non. Il a ainsi été jugé, dans le cadre de la CCN de la plasturgie du 1er juillet 1960, que la rémunération des temps de pause non assimilés à du temps de travail effectif doit faire l’objet d’une mention distincte sur le bulletin de paie (Cass. soc. 1-12-2016 n° 15-18.109 F-D), étant précisé qu’une présentation erronée des bulletins de paie ne signifie pas nécessairement que ces temps de pause n’ont pas été payés (voir en ce sens : Cass. soc. 28-3-2018 nos 16-23.831 FS-PB et 16-20.856 FS-D).
Documents et liens associés
Cass. soc. 13-3-2024 n° 22-22.032 F-D, D. c/ Sté Siel
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