En 2018, une entreprise en redressement judiciaire bénéficie d’un plan de redressement d’une durée de 10 ans. En raison de la crise liée à l’épidémie de Covid-19, l’entreprise peine à régler les échéances semestrielles du plan. A la demande du commissaire à l’exécution du plan, le tribunal porte la durée du plan à 12 ans et modifie en conséquence le taux de remboursement des échéances à venir mais seulement à l’égard des six créanciers - sur les 26 concernés par le plan - qui ont répondu favorablement à cette modification qui leur a été communiquée par le greffe du tribunal.
La cour d’appel de Paris infirme la décision du tribunal sur ce dernier point. Lorsque la demande de modification substantielle du plan porte sur les modalités d'apurement du passif, le défaut de réponse des créanciers intéressés à la lettre recommandée du greffe vaut acceptation des modifications proposées, sauf s'il s'agit de remises de dettes ou de conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital (Ord. 2020-596 du 20-5-2020 art. 5, III). La modification des modalités de remboursement devait donc s’appliquer à tous les créanciers, y compris à ceux qui n’avaient pas répondu à la lettre recommandée.
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A noter :
1. En dehors du cas où le plan a été voté par les comités de créanciers, la durée du plan est limitée à 10 ans ou, pour une exploitation agricole, à 15 ans (C. com. art. L 626-12 et L 626-30-2, al. 2). Le tribunal peut proroger la durée du plan à l’intérieur de cette limite (CA Paris 19-6-2001 n° 01-2962 : RJDA 1/02 n° 70). Par ailleurs, le tribunal peut autoriser une modification substantielle dans les objectifs ou les moyens de ce plan, à la demande, selon le cas, du débiteur ou du commissaire à l’exécution du plan (art. L 626-26) ; lorsque la modification porte sur les modalités d'apurement du passif, le greffier en informe les créanciers intéressés par lettre recommandée AR et ceux-ci disposent alors d'un délai de 15 jours pour faire valoir leurs observations par lettre recommandée AR au commissaire à l'exécution du plan (R 626-45).
La crise sanitaire a conduit le Gouvernement à aménager temporairement ces règles, afin de limiter les cas de résolution du plan pour inexécution et de mise en liquidation judiciaire des entreprises défaillantes (cf. C. com. art. L 626-27). Une première ordonnance a, d’une part, prévu la prolongation automatique des plans en cours pour la durée de l’état d’urgence sanitaire plus 1 mois ; d’autre part, elle a permis, jusqu’au 23 août 2020, la prolongation de 5 mois à 2 ans des plans, selon le cas, sur décision du président du tribunal ou du tribunal à la demande du commissaire au plan ou du ministère public (Ord. 2020-341 du 20-5-2020 art. 1, III et 2, II-1°) ; la prolongation s’accompagnait d’une adaptation des délais de paiement initialement fixés à la nouvelle durée du plan.
Le dispositif a été renforcé par une seconde ordonnance (Ord. 2020-596 du 20-5-2020) dont les dispositions sont applicables jusqu’au 31 décembre 2021 inclus (Loi 2020-1525 du 7-12-2020) : possibilité pour le tribunal de prolonger de 2 ans maximum la durée des plans, en plus des prolongations déjà accordées en vertu de la première ordonnance (art. 5, I) ; en cas de modification substantielle du plan, durée maximale de celui-ci portée à 12 ans ou, pour une exploitation agricole, à 17 ans (art. 5, II). En outre, cette ordonnance fixe le sort des créanciers qui n’ont pas répondu à la lettre du greffe qui fait état des modifications des modalités d'apurement du passif prévues au plan (art. 5, III).
La cour d’appel fait ici une stricte application de cette dernière disposition : les créanciers ayant répondu favorablement aux modifications substantielles du plan mais aussi ceux n’ayant pas répondu sont soumis aux modifications arrêtées par le tribunal. Le défaut de réponse des créanciers ne vaut toutefois pas acceptation si la proposition de modification n’est pas clairement exprimée dans la lettre (Cass. com. 15-12-2015 n° 14-20.588 F-D : RJDA 4/16 n° 305).
2. Les dispositifs exposés ci-dessus ne s’appliquent pas au plan adopté au sein des comités de créanciers car toute modification substantielle de celui-ci suppose un nouveau vote des comités (C. com. art. L 626-31).