Relative au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, l’ordonnance du 11 mars 2020 a été prise en application de la loi de réforme pour la Justice du 23 mars 2019 (loi 2019-222 du 23-3-2019 art. 9 IV). Précédée d’un rapport au Président de la République publié le même jour et composée de 47 articles, cette ordonnance modifie 31 articles du Code de la santé publique et 16 articles du Code de l’action sociale et des familles. Elle doit entrer en vigueur au plus tard le 1er octobre 2020, à moins que le décret, modifiant la partie réglementaire des deux codes visés, n’anticipe son entrée en vigueur.
L’ordonnance procède à une réécriture essentiellement formelle du droit médical des personnes protégées. Toutefois, l’harmonisation engendre des modifications de fond.
En premier lieu, le Code de la santé publique distingue enfin les mineurs et les majeurs protégés, alors que le législateur soumettait le majeur sous tutelle au régime de décision des mineurs, dans la tradition de l’article 509 du Code Napoléon (Code civil des français promulgué le 21 mars 1804). La loi isole l’information des titulaires de l’autorité parentale sur l’état de santé des mineurs (CSP art. L 1111-2, II) et la recherche du consentement de ces derniers (CSP art. L 1111-4, al. 7). Le représentant légal ne vise plus que les père et mère ; le représentant légal ne s’applique plus au tuteur d’un mineur, ni au tuteur d’un majeur. Le tuteur est un représentant judiciaire.
En second lieu, le Code de la santé publique – comme le Code de l’action sociale et des familles – accueille toutes les catégories de majeurs protégés et leur consacre des dispositions propres, sans déroger au principe selon lequel le majeur, même protégé, reste un patient qui, en état de s’exprimer, a le droit de manifester un consentement personnel au soin ou un refus (C. civ. art. 16-3). Puis, par esprit de simplification, l’ordonnance distingue les patients majeurs protégés suivant la nature de la mission de leur protecteur : mission d’assistance ou de représentation relative à la personne. Le protecteur ayant une mission de représentation relative à la personne (tutelle à la personne, habilitation familiale générale par représentation, mandat de protection future étendu à la protection de la personne) est, comme le patient lui-même, destinataire de l’information médicale le concernant (CSP art. L 1111-2, III nouveau). De surcroît, il doit participer à la décision médicale, soit en assistant le patient protégé apte à consentir, soit en autorisant la décision médicale lorsque le patient n’est plus apte à consentir (CSP art. L 1111-4, al. 8 nouveau). De nombreuses dispositions spéciales reprennent cette distinction pour s’appliquer aux seules personnes protégées par une mission de représentation à la personne : consultation du dossier médical partagé (CSP art. L 1111-14, al. 3), ou sur autorisation du juge, désignation d’une personne de confiance (CSP art. L 1111-6, al. 5) ou rédaction de directives anticipées (CSP art. L 1111-11, al. 7).
A noter : La classification de toutes les mesures de protection juridique en deux catégories aboutit à considérer que toute personne majeure protégée dont le protecteur n’a pas une mission de représentation relative à la personne est autonome sur le plan sanitaire et socio-médical. Il en résulte une diminution de la protection juridique car il faut inclure dans ce cercle les personnes en tutelle ou en habilitation familiale générale lorsque le tuteur ou la personne habilitée n’a qu’une mission d’assistance à la personne. Cette classification est assez peu praticable car il faudra que les professionnels (santé, secteur socio-médical) prennent connaissance du jugement pour vérifier la nature de la mission (C. civ. art. 459, al. 2 ).
À l’exception de la recherche biomédicale (CSP, art. L 1122-2, al. 11) et de la stérilisation médicale (CSP art. L 2123-2), tout protecteur qui a une mission d’assistance n’a pas voix au chapitre (CSP art. L 1111-4, al. 8 a contrario, préc.). Aucune information sur l’état de santé des patients ne peut être délivrée à leur protecteur, s’ils n’y ont pas consenti expressément (CSP art. L 1111-2, III). Dès lors, si une personne protégée par une mission d’assistance perd subitement conscience sans avoir autorisé le médecin à délivrer à son protecteur les informations médicales le concernant, le médecin ne pourra le consulter. Le renforcement du secret médical risque de nuire à toutes les personnes isolées qui n’ont pour seule famille qu’un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Plus que jamais, la personne de confiance et les directives anticipées sont les mesures phares d’anticipation de la situation dans laquelle la personne ne peut plus exprimer ses préférences ou sa volonté.
Enfin, en cas de désaccord entre la personne protégée et son protecteur, il faudra saisir le juge des tutelles (C. civ. art. 459, al. 2 in fine et CSP art. L 1111-4, al. 8 nouveau) et espérer une réponse judiciaire avant que l’aggravation de l’état de santé du patient ne rende la situation urgente et place le médecin face à ses responsabilités (Pour aller plus loin : G. Raoul-Cormeil, En attendant la recodification du droit de la santé du majeur protégé : RGDM, n° 72, sept. 2019, p. 159 à 173).
Gilles Raoul-Cormeil, Professeur de droit privé à l'Université de Brest, directeur du Master 2 Droit civil - protection des personnes vulnérables, Université de Caen
Pour en savoir plus sur le régime des majeurs protégés : voir Mémento Droit de la Famille nos 49000 s.