L’article 11 de la loi 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a créé un nouveau cas d’éligibilité à l’allocation forfaitaire d’assurance chômage des travailleurs indépendants (ATI) pour que les travailleurs indépendants involontairement privés de leur activité puissent en bénéficier plus précocement, sans attendre qu’une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire soit engagée. Il a également assoupli la condition de revenu d’activité minimum requise pour pouvoir prétendre à l’allocation et adapté en conséquence le montant de celle-ci, qui est désormais plafonné et ne peut pas être inférieur à un montant plancher (voir notre actualité du 24-2-2022).
Deux décrets du 30 mars 2022 précisent ces nouvelles modalités et permettent ainsi au dispositif d’entrer en vigueur.
Pour mémoire, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022, seuls les travailleurs indépendants en remplissant les conditions d’attribution et dont l’entreprise avait fait l’objet d’un jugement d’ouverture de liquidation judiciaire ou d’une procédure de redressement judiciaire (C. trav. art. L 5424-25, 1° et 2°) avaient droit à l’ATI.
La cessation d’activité non économiquement viable, nouveau cas d’éligibilité
L’accès à l’ATI est désormais ouvert aux travailleurs indépendants dont l’entreprise a fait l’objet d’une déclaration de cessation totale et définitive d’activité soit auprès du centre de formalités des entreprises compétent, soit auprès de l’organisme unique mentionné à l’article L 123-33, alinéa 2 du Code de commerce, lorsque cette activité n’est pas économiquement viable. Le caractère non viable de l’activité est attesté par un tiers de confiance (C. trav. art. L 5424-25, 3°).
En pratique, les travailleurs indépendants remplissant les conditions pour bénéficier de l’ATI déclarent la cessation d’activité de leur entreprise, jusqu’au 31 décembre 2022, auprès du CFE dont ils relèvent et, à compter du 1er janvier 2023, auprès du guichet unique électronique mentionné à l’article L 122-33 du Code de commerce mis en place par la loi « Pacte » et qui doit constituer l’interface entre les organismes actuellement destinataires des informations collectées par les CFE et les travailleurs indépendants.
Le décret 2022-450 du 30 mars 2022 fixe les critères d’appréciation et les modalités d’attestation du caractère non viable de l’activité auxquels est subordonné le droit à l’ATI.
Critères d’appréciation du caractère non viable de l’activité
Le caractère non viable de l'activité correspond à une baisse d'au moins 30 % des revenus déclarés par le travailleur indépendant au titre de l'impôt sur le revenu correspondant à l'activité non salariée (C. trav. art. R 5424-72-2 nouveau). La baisse des revenus d'activité correspondant à l'activité non salariée s'apprécie différemment selon les situations.
Les 2 dernières déclarations d’impôt sont disponibles
Lorsque les 2 dernières déclarations fiscales au titre de l'impôt sur le revenu précédant la cessation totale et définitive de l’activité économiquement non viable sont disponibles, la baisse des revenus d’activité s’apprécie sur le fondement des revenus correspondant à l'activité non salariée figurant dans ces deux déclarations.
En cas d'année incomplète d'activité, les revenus sont recalculés à partir des derniers revenus déclarés disponibles relatifs à cette activité pour correspondre à une année complète d'activité (C. trav. art. R 5424-72-2, I-1° nouveau).
Une seule déclaration d’impôt est disponible
Lorsqu'une seule déclaration fiscale au titre de l'impôt sur le revenu est disponible au titre des 2 années précédant la cessation d’activité, la baisse de revenus d’activité s’apprécie sur le fondement des revenus correspondant à l'activité non salariée figurant sur cette déclaration ainsi que sur :
le revenu retenu au titre de l'impôt sur le revenu calculé à partir du bilan comptable de l'année pour laquelle la déclaration est manquante ;
ou le revenu fiscal déterminé à partir des déclarations de chiffre d'affaires ou de recettes pour les travailleurs indépendants relevant d’un régime micro-BIC ou micro BNC.
En cas d'année incomplète d'activité ou d'exercice comptable ne correspondant pas à l'année civile, les revenus sont recalculés à partir des derniers revenus disponibles pour correspondre à une année civile complète d'activité (C. trav. art. R 5424-72-2, I-2° nouveau).
Les déclarations d’impôt ne permettent pas d’attester de la baisse des revenus
Lorsque les deux dernières déclarations fiscales au titre de l'impôt sur le revenu ne permettent pas d'attester de la baisse d'au moins 30 % des revenus survenue au moins l'année de la cessation totale et définitive de l’activité, la baisse de revenus d’activité s’apprécie sur le fondement de la déclaration fiscale de l'année précédant cette cessation d’activité ainsi que sur (C. trav. art. R 5424-72-2, I-3° nouveau) :
le revenu retenu au titre de l'impôt sur le revenu calculé à partir du bilan comptable de l'année du fait générateur ;
ou le revenu fiscal déterminé à partir des déclarations de chiffre d'affaires ou de recettes pour les micro-entrepreneurs.
En cas d’année incomplète d'activité ou d'exercice comptable ne correspondant pas à l'année civile, les revenus sont recalculés comme indiqué ci-dessus.
Travailleurs indépendants dont l’activité relève de l’impôt sur les sociétés
Pour les travailleurs indépendants dont l'activité est soumise au régime de l'impôt sur les sociétés, les critères d'activité non viable sont une baisse de revenu d'au moins 30 % appréciée dans les conditions précitées et une stabilité ou une baisse du résultat de la société sur la période retenue pour apprécier la baisse du revenu correspondant à l'activité non salariée (C. trav. art. R 5424-72-2, II).
Tiers de confiance chargé d’attester du caractère non viable de l’activité
Le tiers de confiance chargé d'attester du caractère non viable de l'activité peut être, au choix du travailleur indépendant (C. trav. art. R 5424-72-1 nouveau) :
un expert-comptable ;
une personne habilitée d'un établissement du réseau consulaire du secteur d'activité dont relève le travailleur indépendant.
Lors des débats parlementaires, la possibilité d’une transmission des informations fiscales directement par les administrations centrales concernées avait également été étudiée. Celle-ci n’a donc pas été retenue.
Le tiers de confiance doit remettre au travailleur indépendant en cessation d’activité un document attestant du caractère non viable de l'activité comprenant les informations suivantes (C. trav. art. R 5424-72-1, III) :
le nom et le prénom du travailleur indépendant ;
le numéro SIRET de l'entreprise ;
la mention de l'affiliation à la sécurité sociale en tant que travailleur non salarié ;
la durée totale de l'activité non salariée ;
le montant des revenus d'activité par année perçus au titre de l'activité non salariée déterminés dans les conditions prévues précédemment en indiquant le cas échéant le montant du revenu d'activité qui a servi pour recalculer le revenu d'activité sur une année entière ;
la baisse du revenu d'activité en montant et en pourcentage ;
le cas échéant, le résultat fiscal de la société pour les 2 derniers exercices retenus pour l'appréciation du caractère de non-viabilité de l'activité.
Une copie de la déclaration de cessation d'activité est jointe à cette attestation lors du dépôt de la demande en paiement de l'allocation.
La condition de revenus antérieurs d’activité appréciée plus souplement
Parmi les conditions requises pour bénéficier de l’ATI, le travailleur indépendant doit justifier, au titre de son activité non salariée, de revenus antérieurs d’activité égaux ou supérieurs à 10 000 € désormais calculés sur une période de référence qui correspond à l’une des deux dernières années d’activité (et non plus comme avant à 10 000 € par an les 2 années précédentes) (C. trav. R 5424-70, 3° modifié).
Pour mémoire, les autres conditions pour bénéficier de l’ATI sont les suivantes (C. trav. art. R 5424-70 et R 5424-71) :
être travailleur indépendant au titre de la dernière activité ;
justifier d’une durée d’activité minimale ininterrompue de 2 ans au titre d’une seule et même entreprise à la date du fait générateur d’ouverture du droit (jugement d’ouverture de liquidation judiciaire, procédure de redressement judiciaire ou cessation d’activité non économiquement viable) ;
être effectivement à la recherche d’un emploi ;
disposer d’autres ressources personnelles inférieures au montant mensuel du RSA pour une personne seule (soit 575,52 € par mois depuis le 1er avril 2022).
La condition de revenus antérieurs d'activité s'apprécie désormais au titre de (C. trav. art. R 5424-71, II nouveau) :
l'année civile ayant donné lieu aux revenus les plus élevés, lorsque les 2 dernières déclarations fiscales correspondent à 2 années complètes d'activité ; ;
l'année civile ayant fait l'objet de la dernière déclaration fiscale correspondant à une année complète d'activité, lorsqu'une seule déclaration fiscale correspondant à une année complète d'activité est disponible ;
l'année civile ayant fait l'objet de la dernière déclaration fiscale sur la base des revenus recalculés pour correspondre à une année complète d'activité, lorsqu'aucune déclaration fiscale correspondant à une année complète d'activité n'est disponible.
Un montant d’allocation encadré
Pour tenir compte de l’assouplissement de la condition de revenus antérieurs d’activité (voir ci-dessus), le montant mensuel de l’allocation est adapté.
En application de la loi du 14 février 2022, si le montant forfaitaire de l’allocation est supérieur au montant moyen mensuel des revenus d’activité antérieurs perçus sur la durée antérieure d’activité à laquelle est subordonné le droit à l’ATI (24 mois précédant la cessation d’activité), l’allocation versée mensuellement est réduite d’autant, sans pouvoir être inférieure à un montant minimal fixé par décret (C. trav. art. L 5424-27, 1°).
Maintenu au même niveau que précédemment par le décret 2022-451, le montant forfaitaire de l’allocation s’établit à 26,30 € par jour en métropole, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon (C. trav. art. D 5424-74, I-1° modifié).
Le montant minimal est, quant à lui, fixé à 19,73 € par jour depuis le 1er avril 2022 (C. trav. art. D 5424-74, I-2° modifié ; Décret 2022-451 art. 2).
En pratique, cela correspond à un montant forfaitaire de 800 € en moyenne par mois et à un montant plancher d’environ 600 € par mois.
Afin de fixer, le cas échéant, le montant réduit de l’allocation (voir ci-dessus), le montant moyen mensuel des revenus issus de l’activité indépendante est déterminé en divisant par 24 les revenus d’activité figurant dans les 2 déclarations fiscales présentées pour l’appréciation de la condition de revenus antérieurs d’activité (C. trav. art. R 5424-71-1, 1° nouveau).
Si ces déclarations fiscales ne permettent pas de justifier de 24 mois de revenus, le travailleur indépendant atteste sur l’honneur des sommes perçues pour les mois manquants telles qu’elles doivent être déclarées à l’administration fiscale pour le calcul de l’impôt sur le revenu (C. trav. art. R 5424-71-1, 2° nouveau).
Entrée en vigueur
Ces dispositions sont applicables depuis le 1er avril 2022 pour les demandes déposées à compter de cette date et remplissant les conditions d’ouverture du droit à l’allocation des travailleurs indépendants à partir de cette même date (Décret 2022-450 art. 5).
Documents et liens associés
Décret 2022-450 du 30-3-2022 : JO 31
Décret 2022-451 du 30-3-2022 : JO 31