Un homme de nationalité allemande décède en France, laissant pour recueillir sa succession plusieurs enfants et sa sœur, désignée légataire universelle aux termes d’un testament olographe. Pour s’opposer à la délivrance du legs, les enfants font valoir que le testament, établi en français, n’est pas valable, leur père ne comprenant pas cette langue.
Pour rejeter la demande des enfants, la cour d’appel de Chambéry constate que cet acte rédigé en français est écrit, daté et signé de la main du testateur. Ce dernier y désigne sa sœur comme légataire universelle tout en précisant qu’en cas de présence d’héritiers réservataires il lui lègue la quotité disponible de ses biens. Les juges relèvent par ailleurs l’existence d’un autre écrit rédigé en allemand, intitulé « Traduction du testament » et daté du même jour. Cet écrit indique que le défunt désigne sa sœur comme exécutrice testamentaire générale et lui lègue son patrimoine disponible, même si celle-ci n’est pas une héritière directe. L’arrêt d’appel ajoute qu’il est constant que le défunt ne parlait pas le français et que le second document n’est pas de sa main, mais lui a été présenté pour comprendre le sens du testament.
Les juges retiennent enfin que les expressions « quotité disponible » et « patrimoine disponible » ont le même sens, de sorte que les deux écrits ne s’opposent pas, le premier étant simplement plus complet et juridique, sans contredire le second. La seule différence relative à la désignation de la sœur comme exécutrice testamentaire n’a pas d’incidence sur l’étendue des droits dévolus à cette dernière. Le consentement du testateur n’a donc pas été vicié.
Cassation au visa de l’article 970 du Code civil. Aux termes de ce texte, le testament olographe ne sera point valable s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune autre forme. Il résulte des constatations de l’arrêt d’appel que le testateur avait rédigé le testament dans une langue qu’il ne comprenait pas, de sorte que l’acte ne pouvait être considéré comme l’expression de sa volonté. En déclarant le testament valable, la cour d’appel a violé le texte précité.
A noter :
Peu importe la langue utilisée pour la rédaction d’un testament olographe, à condition que le testateur la comprenne.
Par exemple, les juges du fond ont déjà eu l’occasion de valider un testament olographe rédigé dans une langue étrangère dès lors que le testateur en a une parfaite connaissance (CA Douai 20-1-1992 n° 91/2492, concernant un testament rédigé en hébreu ; voir également CA Paris 16-9-1994 n° 93/006722, s’agissant d’un testament rédigé en anglais). Inversement, le testament encourt la nullité si le testateur n’avait pas une connaissance suffisante de la langue utilisée, comme l’illustre la présente affaire.
Au cas particulier, le testateur eût été mieux avisé d’inverser les choses dans la manière de procéder. Rédiger son testament en allemand, en y joignant, le cas échéant, une traduction en français, lui eût sans doute assuré l’efficacité de ses dispositions de dernières volontés, du moins à l’égard du point de droit évoqué. Son testament étant daté du 25 mars 2002, alors qu’il résidait en France depuis 1999, il aurait même pu demander à un notaire français de consigner ses dernières volontés par testament authentique, mais à la condition impérative que le notaire et les témoins (ou le second notaire) eussent maîtrisé l’allemand (Cass. req. 12-8-1868 : DP 1872 I p. 133, concernant un testament reçu en Corse et dicté en italien). C’est seulement depuis le 18 février 2015, date d’entrée en vigueur de la loi 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, qu’un testament authentique peut être reçu en ayant recours aux services d’un interprète assermenté (C. civ. art. 972, al. 4 ; sur cette réforme, voir notamment M. Grimaldi, obs. sous Cass. 1e civ. 12-6-2018 n° 17-14.461 F-D : RTD civ. 2018 p. 721).