Une femme sans héritier réservataire établit deux testaments olographes. Par le premier, de mars 2013, elle lègue l’universalité de son patrimoine à son neveu ; par le second, d’avril 2015, elle attribue une somme de 70 000 € à un autre homme, présenté comme une personne de confiance. Après le décès de sa tante en 2018, le neveu demande la nullité du second testament pour insanité d’esprit.
La cour d’appel rappelle tout d’abord que pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit, et que la libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence (C. civ. art. 901).
Les juges relèvent ensuite :
la dénutrition, la suspicion de maltraitance du fait d’un isolement par la personne de confiance pendant plusieurs jours et la démence sévère avec perte d’autonomie, établies par le certificat médical circonstancié d’un médecin gériatre ayant examiné l’intéressée avant son hospitalisation en urgence en décembre 2015 ;
les troubles cognitifs, en cours depuis plusieurs mois lors de l’hospitalisation, confirmés par les déclarations des infirmières intervenant au domicile de la testatrice, et la situation de danger dans laquelle elle se trouvait ;
l’emprise exercée par la personne de confiance, corroborée par sa condamnation par le tribunal correctionnel pour abus de faiblesse sur la testatrice sur une période courant du 1er janvier 2015 à la date de l’hospitalisation, alors qu’elle savait l’intéressée « particulièrement vulnérable à raison de son âge important, de ses problèmes respiratoires, de ses troubles de la mémoire ».
La cour d’appel en conclut à l’insanité d’esprit de la testatrice au moment de la rédaction du testament contesté, qui entraîne la nullité de celui-ci.
A noter :
La nullité d’une libéralité pour insanité d’esprit ne peut être demandée que par son auteur ou, après son décès, par ses successeurs universels légaux ou testamentaires (Cass. 1e civ. 4-11-2010 n° 09-68.276 F-PBI : BPAT 6/10 inf. 353). C’est à ceux qui invoquent l’insanité d’esprit d’en apporter la preuve, par tous moyens, notamment par des témoignages ou des certificats médicaux. Cette preuve peut, comme en l’espèce, résulter de la condamnation du légataire pour abus de faiblesse sur le testateur au cours d’une période couvrant la date de rédaction du testament. Il a notamment été décidé que le juge refusant d’annuler pour insanité d’esprit un testament rédigé au profit d’une femme condamnée pénalement pour abus de faiblesse envers la testatrice l’ayant instituée légataire universelle violait le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil (Cass. 1e civ. 24-10-2012 n° 11-20.442 F-PBI : BPAT 6/12 inf. 302).
En toute hypothèse, l’appréciation de l’insanité d’esprit relève du pouvoir souverain des juges du fond, particulièrement exigeants dans l’analyse des faits qui leur sont soumis.