On se souvient que le Gouvernement a été habilité par l’article 26 de la loi 2024-537 du 13 juin 2024 (loi Attractivité) à simplifier et clarifier par ordonnance le régime des nullités en droit des sociétés, afin de renforcer la sécurité juridique de la constitution des sociétés, de leurs actes et délibérations ainsi que des règles qui y sont exposées.
L’ordonnance vient d’être publiée (Ord. 2025-229 du 12-3-2025). Elle entrera pour l’essentiel en vigueur le 1er octobre 2025 (est reportée au 1er janvier 2027 l’entrée en vigueur de l’article 67, prévoyant expressément la nullité des assemblées pour défaut de désignation régulière d’un auditeur de durabilité – commissaire aux comptes ou organisme tiers indépendant – par les sociétés qui y sont tenues).
Riche de 71 articles, l’ordonnance, sur laquelle nous reviendrons en détail prochainement, réforme en profondeur le régime des nullités en droit des sociétés, tant civiles que commerciales. Quelques changements majeurs méritent d’être signalés dès à présent.
Seront regroupées au sein du Code civil (art. 1844-10 s. modifiés) toutes les règles générales régissant le droit des sociétés, y compris commerciales.
Il sera mis fin à la règle selon laquelle, pour les sociétés commerciales, la nullité d’un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d’une disposition expresse du Livre II du Code de commerce ou des lois qui régissent les contrats : sauf disposition contraire, la nullité des décisions sociales (et non plus des « actes et délibérations ») ne pourra résulter (pour les sociétés civiles comme pour les sociétés commerciales) que de la violation d’une disposition impérative de droit des sociétés, à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833 (prévoyant que la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité), ou de l’une des causes de nullité des contrats en général (C. civ. art. 1844-10 modifié ; Ord. art. 1), que la décision sociale modifie ou non les statuts.
Le contrôle du juge sera renforcé par la mise en place d’un « triple test », en vertu duquel la nullité des décisions sociales ne pourra être prononcée, sauf disposition expresse contraire, que si (C. civ. art. 1844-12-1 nouveau ; Ord. art. 5) :
le demandeur justifie d’un grief résultant d’une atteinte à l’intérêt protégé par la règle dont la violation est invoquée ;
l’irrégularité a eu une influence sur le sens de la décision (condition qui fait écho au nouveau critère récemment dégagé par la Cour de cassation : Cass. com. 15-3-2023 n° 21-18.324 FS-B : RJDA 5/23 n° 263, réaffirmé depuis à plusieurs reprises) ;
les conséquences de la nullité pour l’intérêt social ne sont pas excessives, au jour de la décision la prononçant, au regard de l’atteinte à l’intérêt dont la protection est invoquée.
Les nullités en cascade seront limitées. D’une part, lorsque la rétroactivité de la nullité d’une décision sociale sera de nature à produire des effets manifestement excessifs pour l’intérêt social, les effets de cette nullité pourront être différés. D’autre part, sauf disposition législative contraire, la nullité de la nomination ou le maintien irrégulier d’un organe ou d’un membre d’un organe de la société n’entraînera pas la nullité des décisions prises par celui-ci (C. civ. art. 1844-15-1 et 1844-15-2 nouveaux ; Ord. art. 8).
Les statuts de SAS pourront prévoir la nullité des décisions sociales prises en violation des règles prévues par les statuts (C. com. art. L 227-20-1 nouveau ; Ord. art. 43). Elle ne sera prononcée par un juge que sous réserve du triple test.
Le délai de droit commun de la prescription de l'action en nullité en droit des sociétés sera réduit de trois à deux ans (C. civ. art. 1844-14 modifié ; Ord. art. 6).
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