1. Afin d'assurer une meilleure gestion et une préservation pérenne de l’environnement, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages met en place différents moyens juridiques et écologiques (Loi 2016-1087 du 8-8-2016 : JO 9 texte n° 2).
Outre la consécration d’un régime de réparation du préjudice écologique, la possibilité de conclure un contrat de compensation, le Parlement vient de créer l’obligation réelle environnementale, nouvelle technique civile de protection des milieux naturels.
Objet de l’obligation réelle environnementale
2. Depuis le 10 août 2016, les propriétaires de biens immobiliers peuvent conclure un contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu'à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, les obligations réelles que bon leur semble, ayant pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques (C. envir. art. L 132-3, al. 1 nouveau).
3. En pratique, le cocontractant du propriétaire peut être l’un des conservatoires régionaux d’espaces naturels, l’Office national des forêts, le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, etc.
Tout en restant propriétaire, le signataire peut s’obliger envers l’un de ces organismes à ne pas développer certaines activités (culture d’OGM par exemple), à ne pas utiliser de pesticides, à préserver des prairies, des mares ou encore à adopter des modes de culture plus respectueux de l’environnement (obligation de jachère notamment).
4. Les obligations réelles environnementales peuvent également être utilisées à des fins de compensation des atteintes à la biodiversité (C. envir. art. L 132-3, al. 2 nouveau).
Dorénavant, si la réalisation d’un projet de travaux ou d’ouvrage risque de porter atteinte à la biodiversité du site exploité - pensons par exemple au barrage de Sivens ou au Center parc en forêt de Chambran - la loi permet de prévoir une compensation écologique, établie par contrat entre le débiteur de l’obligation (le maître d’ouvrage) et un opérateur (personne publique ou privée chargée de mettre en œuvre des mesures de compensation et de les coordonner à long terme).
La compensation peut résulter du financement d’une réserve d’actifs naturels, du déplacement des espèces menacées, ou encore de la création d’une obligation réelle environnementale (C. envir. art. L 163-1 s. nouveaux).
Nature de l’obligation réelle environnementale
5. Une fois actée, l’obligation réelle environnementale se transmet aux acquéreurs successifs du bien. En tant que charge réelle, elle suit le bien à chaque mutation et s’impose à son nouveau propriétaire.
Cette obligation réelle environnementale ne doit pas être confondue avec une servitude, qui est une charge réelle imposée sur un bien pour l’usage et l’utilité d’un bien appartenant à un autre propriétaire (C. civ. art. 637). L’exigence d’une dualité de propriétés, le fonds servant et le fonds dominant, ne se retrouve pas dans l’obligation réelle environnementale.
Règles de fond et de forme du contrat prévoyant cette obligation
6. Au titre des mentions obligatoires du contrat faisant naître l’obligation réelle environnementale figurent les engagements réciproques et les possibilités de révision et de résiliation (C. envir. art. L 132-3, al. 3 nouveau).
Le contrat doit par ailleurs être établi par acte authentique et être publié au service chargé de la publicité foncière, au même titre que les mutations ou constitutions de droits réels immobiliers (C. envir. art. L 132-3, al. 4 nouveau ; Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 28). Sur le régime fiscal applicable, voir n° 9.
Cas où la propriété concernée fait l’objet d’un bail rural
7. Le propriétaire qui a consenti un bail rural sur son fonds ne peut, à peine de nullité absolue, mettre en œuvre une obligation réelle environnementale qu'avec l'accord préalable du preneur et sous réserve des droits des tiers. L'absence de réponse à une demande d'accord dans le délai de 2 mois vaut acceptation. Tout refus doit être motivé (C. envir. art. L 132-3, al. 5 nouveau).
La loi reste néanmoins silencieuse sur les formes requises pour l’obtention de cet accord. En pratique, le bailleur aura tout intérêt à notifier au preneur son projet de création d’obligation réelle environnementale et sa demande d’accord par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte d’huissier.
En cas d’existence d’un fermage, il est apparu essentiel que le preneur (agriculteur, éleveur notamment) puisse pleinement participer à l’élaboration de l’accord, même s’il demeure tiers au contrat. L’obtention de son accord permet ainsi d’assurer cohérence et applicabilité aux obligations définies entre le propriétaire bailleur, soucieux de préserver ses terres et l’acteur public ou privé garantissant la bonne définition des enjeux environnementaux.
Prise en compte des droits des chasseurs
8. La mise en œuvre d'une obligation réelle environnementale ne peut en aucune manière remettre en cause ni les droits liés à l'exercice de la chasse, ni ceux relatifs aux réserves cynégétiques (C. envir. art. L 132-3, al. 5 nouveau). Cette disposition a ainsi mis fin aux craintes des associations de chasseurs, qui redoutaient de se voir interdits de chasse ou limités dans leurs droits par suite d’un accord entre le propriétaire du domaine et un acteur de protection de la biodiversité.
Fiscalité
9. Le contrat créant une obligation réelle environnementale n'est soumis ni aux droits d'enregistrement ni à la perception de la taxe de publicité foncière prévus respectivement aux articles 662 et 663 du CGI (C. envir. art. L 132-3, al. 4 nouveau).
A compter du 1er janvier 2017, les communes pourront, sur délibération du conseil municipal, exonérer de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, les propriétaires ayant consenti une obligation réelle environnementale (Loi 2016-1087 du 8-8-2016 art. 72-III).
Aucune exonération n’étant prévue sur ce point, la publication du contrat créant une obligation réelle immobilière devrait donner lieu au paiement de la contribution de sécurité immobilière au taux de 0,10 % sur la valeur des immeubles ou droits immobiliers concernés.
Conclusion
10. Le succès de ces obligations réelles environnementales dépendra en grande partie des propriétaires fonciers et des preneurs en cas de bail rural. Un bilan d’application est d’ailleurs prévu, le Gouvernement devant déposer au Parlement dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi un rapport sur la mise en œuvre du dispositif. Ce rapport devra également porter sur les moyens de renforcer l’attractivité de ce mécanisme, notamment des mesures fiscales incitatives (Loi 2016-1087 du 8-8-2016 art. 73).
Florence GALL-KIESMANN