Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé pour autrui, sauf à justifier d'une compétence ou d'une habilitation particulière en ce domaine (Loi 71-1130 du 31-12-1971 art. 54, 1°).
Une société confie à un cabinet de conseil une mission relative à l'optimisation des coûts de fonctionnement des sociétés du groupe dont elle fait partie. L'objet de cette mission est de réaliser un diagnostic des dépenses de frais de fonctionnement des sociétés du groupe dans les domaines de l'électricité, du gaz et des voyages d'affaires, en suivant les quatre étapes suivantes : réalisation du diagnostic, choix des recommandations, mise en place des préconisations et contrôle de la bonne application de nouvelles conditions.
Ultérieurement, la société commanditaire demande l'annulation du contrat, en soutenant que son objet porte sur une prestation juridique ne pouvant être fournie que par une personne habilitée.
Cette demande est rejetée : pour la réalisation du diagnostic, la société de conseil doit analyser les contrats, identifier et analyser les modes et profils de consommation du groupe, recenser la facturation des fournisseurs, réaliser une cartographie détaillée des dépenses annuelles et rechercher toutes les sommes indûment payées par le groupe ; dans le cadre de la mise en place des préconisations, la société de conseil doit assister la société du groupe pilotant le projet pour rédiger les courriers envoyés aux fournisseurs, les relancer ; pour la mise en concurrence, elle doit produire les pièces techniques, analyser les offres et aider au choix du fournisseur final et à la contractualisation. Ces prestations consistent ainsi en un diagnostic des dépenses de frais de fonctionnement impliquant une analyse technique des contrats et non une analyse juridique. Il ne peut donc pas être reproché à la société de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous seing privé pour autrui.
A noter : le contrat de prestations à caractère juridique conclu avec une personne non habilitée encourt l'annulation. Avant la réforme du droit des contrats opérée par l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, l'annulation était fondée sur l'existence d'une cause ou d'un objet illicite (C. civ. ex-art. 1128 et 1133). Elle devrait désormais pouvoir être rattachée à l'exigence d'un contenu licite (C. civ. art. 1128).
Par plusieurs arrêts, la Cour de cassation a paru condamner assez largement les pratiques des cabinets en réduction des coûts (« cost killers »): elle a, par exemple, jugé qu'un prestataire chargé par une entreprise d'analyser la « tarification du risque Accidents du travail d'une entreprise, de rechercher toute possibilité d'obtenir des économies et d'effectuer toutes démarches nécessaires auprès de la sécurité sociale en vue de l'obtention d'économies » exerçait irrégulièrement une activité de consultation juridique dès lors que la vérification, en amont des conseils donnés en phase contentieuse, au regard de la réglementation en vigueur, du bien-fondé des cotisations réclamées par les organismes sociaux au titre des accidents du travail constitue elle-même une prestation à caractère juridique (Cass. 1e civ. 15-11-2010 n° 09-66.319 FS-PBI : RJDA 5/11 n° 379). De même, elle a censuré l'arrêt ayant écarté la nullité d'un contrat d'optimisation de gestion locative sans rechercher si, en amont des calculs techniques et comptables, les vérifications et diligences que la société de conseil devait effectuer et les indications qu'elle pouvait, en conséquence, donner à sa mandante n'impliquaient pas l'accomplissement de prestations à caractère juridique (Cass. 1e civ. 20-12-2012 n° 11-28.292 F-D : RJDA 4/13 n° 292).
Au cas d'espèce, la mission n'incluait apparemment que des prestations techniques. La validité d'un tel contrat suppose en outre qu'en amont de l'audit technique et comptable, la mission n'implique pas de prestations à caractère juridique.
Maya VANDEVELDE