icone de recherche
logo
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Concurrence déloyale

Le parasitisme implique la preuve d'une valeur économique identifiée et individualisée

Celui qui se prétend victime de parasitisme économique doit démontrer l’existence d’une valeur économique identifiée et individualisée, condition préalable pour rechercher la responsabilité civile de celui qui, se plaçant dans son sillage, capte indûment ses efforts.

Cass. com. 26-6-2024 n° 23-13.535 FS-BR, Sté Maisons du monde France c/ Sté Auchan e-commerce France  ; Cass. com. 26-6-2024 n° 22-17.647 FS-BR, Sté Intersport France c/ Sté Decathlon


quoti-20241003-affaires.jpg

©Getty Images

On sait que le parasitisme (ou concurrence parasitaire) consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété. Il résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. com. 10-7-2018 n° 16-23.694 FS-PB : RJDA 12/18 n° 956 ; Cass. com. 10-2-2015 n° 13-24.399 F-D ; Cass. com. 10-5-2006 n° 04-15.612 F-D ; Cass. com. 26-1-1999 n° 96-22.457 D : RJDA 4/99 n° 491). Ainsi, pour que soit établie la faute, il faut prouver qu’un tiers s’est placé dans le sillage d’autrui, ce qui suppose de démontrer non seulement un élément intentionnel du parasite mais également l’existence d’une économie injustifiée réalisée par celui qui se place dans le sillage d’un autre pour tirer indûment profit de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis. 

Par deux arrêts rendus le même jour, la Cour de cassation pose d'une manière claire et détaillée les conditions de la qualification de parasitisme, la généralité des motifs de ces décisions pouvant expliquer la publicité élargie dont elles font l'objet.

Les faits

Dans la première affaire (n° 23-13.535), une société exerçant une activité d’ameublement et de décoration reproche à une entreprise de supermarchés d’avoir commercialisé des tasses et des bols comportant des images qui évoquent un tableau qu’elle avait commercialisé quelques années plus tôt. 

Dans la seconde affaire (n° 22-17.647), une société spécialisée dans les équipements sportifs, qui commercialise un masque de plongée innovant avec tuba intégré, reproche à un concurrent direct et à son fournisseur, sur le fondement du parasitisme, d'avoir vendu un produit similaire peu de temps après. 

La Cour de cassation rejette la demande fondée sur le parasitisme dans la première affaire et l'accueille dans la seconde.

Conditions du parasitisme 

Après avoir énoncé (dans la deuxième affaire) que la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce, la Haute Juridiction rappelle (dans les deux affaires ) les principes suivants.

Le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d'une faute au sens de l'article 1240 du Code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (Cass. com. 16-2-2022 n° 20-13.542 FS-B : RJDA 6/22 n° 375 ; Cass. com. 10-7-2018 n° 16-23.694 précité).

Il appartient à celui qui se prétend victime d'actes de parasitisme d'identifier la valeur économique individualisée qu'il invoque (Cass. com. 20-9-2016 n° 14-25.131 : Bull. civ. IV n° 116), ainsi que la volonté d'un tiers de se placer dans son sillage (Cass. com. 3-7-2001 nos 98-23.236 et 99-10.406 : RJDA 12/01 n° 1276).

Le savoir-faire et les efforts humains et financiers propres à caractériser une valeur économique identifiée et individualisée ne peuvent pas se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit (Cass. com. 5-7-2016 n° 14-10.108 FS-PB : RJDA 10/16 n° 749) et, les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en oeuvre par un concurrent ne constitue pas, en soi, un acte de parasitisme (Cass. 1e civ., 22-6-2017 n° 14-20.310 FS-PB : RJDA 10/17 n° 375).

Si la condition tirée de l’existence d’une valeur économique individualisée avait déjà été posée (Cass. com. 20-9-2016 n° 14-25.131 précité), la Cour de cassation énonce ici clairement qu'il s'agit de la condition première pour établir la faute civile que constitue le parasitisme. Tous les produits ou services ne sont ainsi pas susceptibles d’être pillés. La banalité, l’air du temps ou le fonds commun sont de nature à exclure la faute de parasitisme.

Appréciation du critère tiré de l'existence d'une valeur économique identifiée et individualisée

La Cour de cassation estime qu'une telle valeur économique identifiée et individualisée fait défaut dans la première affaire, au vu des éléments suivants :

  • le tableau invoqué était composé de dessins ou de photographies évocateurs des Etats-Unis des années cinquante, thème vintage alors en vogue que la société de décoration n'était d’ailleurs pas seule à l'exploiter ;  

  • ces éléments étaient disponibles en droit libre sur internet ;

  • la styliste qui les avait trouvés sur internet les avait seulement agencés. 

En outre, la commercialisation du tableau n’était attestée que sur une période limitée et il n’avait jamais été mis en avant comme un produit emblématique de la collection. Il s’agissait donc d’une combinaison banale d'images préexistantes qui n'avait jamais été mise en avant comme emblématique de l'univers de la marque. 

Il en ressortait que la société n'avait pas produit une valeur économique identifiée et individualisée.

Dans le second arrêt, en revanche, elle retient le parasitisme. 

Les sociétés ayant vendu un masque de plongée similaire ne justifiaient en effet d’aucun travail de mise au point ni de coûts exposés pour le développement d’un produit identique d'un point de vue fonctionnel et à l'apparence fortement inspirée d'un produit couronné de succès, à une époque où ce dernier était toujours proposé. Il semble que ce soit la commercialisation du produit incriminé au moment où le premier acteur sur le marché continuait d’investir pour faire connaître son produit devenu phare qui caractérisait en l’espèce la volonté parasitaire.

Par ailleurs, si les investissements de recherche et de conception sont visés dans l’arrêt, ce sont les investissements publicitaires qui semblent ici décisifs. S’y ajoute le caractère novateur et innovant du produit dans le sillage duquel la société concurrente s'était placée, lequel constitue, selon la Cour de cassation, une valeur économique identifiée et individualisée, ce qui est renforcé par le chiffre d’affaires généré par sa vente. 

Le parasitisme est ici retenu alors même que ni la contrefaçon de dessin et modèle, ni la concurrence déloyale n’avaient été admises, ce qui établit le caractère autonome de cette faute civile.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

Aller plus loin


Navis Droit des affaires
affaires -

Navis Droit des affaires

Votre fonds documentaire en ligne
à partir de 285,42 € HT/mois
Mémento Baux commerciaux 2023/2024
affaires -

Mémento Baux commerciaux 2023/2024

Sécurisez vos baux et gagnez en sérénité
209,00 € TTC