Par un acte de vente du 29 janvier 1973, un fonds est divisé et une servitude de passage est établie au profit de la parcelle conservée par le vendeur. Plus de trente ans après, le propriétaire du fonds dominant réclame le rétablissement du passage. Les propriétaires du fonds servant soutiennent que la servitude de passage est éteinte du fait du non-usage trentenaire (C. civ. art. 706).
La cour d’appel ordonne sous astreinte le rétablissement du passage dans les conditions fixées dans l’acte de vente de 1973. Elle constate qu’hors le passage réservé dans l’acte de vente, le fonds dominant ne dispose d’un accès à la voie publique que par un chemin piétonnier depuis une route communale. Or le chemin traverse le fonds d’un tiers, présente une forte déclivité et est bordé d’un mur en pierre de deux mètres de long. Elle en déduit que la division ayant privé le fonds dominant de tout accès direct et suffisant à la voie publique, l’enclavement du fonds était la cause déterminante de l’établissement de la servitude de passage dans l’acte de vente. Les dispositions de l’article 706 du Code civil ne sont donc pas applicables à cette servitude et le non-usage trentenaire invoqué n’a pu causer l’extinction du droit de servitude.
La Cour de cassation confirme.
A noter :
L’arrêt illustre le principe selon lequel le droit à une servitude de passage accordé par la loi en cas d’enclave ne s’éteint pas par le non-usage (Cass. 3e civ. 11-2-1975 n° 73-13.974 : Bull. civ. III n° 56). En revanche, l’assiette du passage ainsi obtenu peut se perdre en cas de non-usage trentenaire (Cass. 3e civ. 7-11-1984 n° 83-14.257 : Bull. civ. III n° 186).
Au-delà de la question ici évoquée, un auteur a mis en évidence une difficulté importante pour les praticiens et leurs clients : « la convention qui offre un passage à la voie publique au maître du fonds enclavé ne fait-elle que constater le droit légal de passage et en organiser amiablement les modalités ou, indépendante des dispositions des articles 682 et suivants [du Code civil], institue-t-elle un droit de passage autonome ? » (W. Dross, La servitude légale de passage en cas d’enclave : Defrénois 23-8-2018 n° 134q2 p. 51). Comme le relève cet auteur, l’enjeu est clair : la disparition de l’état d’enclave entraînera-t-elle celle de la servitude ?