M. X et M. Y se marient en 1999 et donnent naissance à 2 enfants. En 2011, un jugement autorise le mari à changer de sexe pour l’état civil, tout en conservant ses organes sexuels masculins. En 2014, le couple conçoit un 3e enfant. Le géniteur, désormais M. X, souscrit chez un notaire une reconnaissance prénatale « de nature maternelle non gestatrice ». Sur instruction du procureur de la République, l’officier d’état civil refuse sa transcription.
La cour d’appel confirme ce refus mais reconnaît la filiation biologique de l’enfant et ordonne la transcription sur l’acte de naissance de la mention M. X « parent biologique » de l’enfant (CA Montpellier 14-11-2018 n° 16/06059 : BPAT 1/19 inf. 11).
L’arrêt est censuré par la Cour de cassation : la loi française ne permet pas de désigner, dans les actes de l’état civil, le père ou la mère de l’enfant comme « parent biologique ». La Haute Juridiction confirme en revanche qu’il est impossible de transcrire la reconnaissance de maternité sur les actes d’état civil (Cass. 1e civ. 16-9-2020 n° 18-50.080 et 19-11.251 FS-PBRI : BPAT 6/20 inf. 185). L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Toulouse.
La juridiction de renvoi rappelle en préambule que la demande de transcription de l’acte de reconnaissance, de nouveau présentée devant la cour, est irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée s’attachant à l’arrêt de la Cour de cassation : l’établissement de la filiation de la requérante ne peut être que judiciaire.
Constatant ensuite que l’ensemble des parties s’accorde sur l’exclusion de la filiation paternelle, les magistrats toulousains admettent d’établir un lien de filiation maternelle entre M. X et l’enfant et ordonnent que cette filiation soit transcrite sur l’acte de naissance.
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Pour en arriver à cette conclusion, les juges d’appel constatent tout d’abord l’existence d’un vide juridique. Ni la loi du 18 novembre 2016 ayant modifié les modalités de changement juridique de sexe ni la loi bioéthique du 2 août 2021 ne comportent de disposition relative à la filiation d’un enfant né postérieurement au changement juridique de sexe de son auteur. Or, l’intérêt supérieur de l’enfant (Conv. de New York du 20-11-1989 art. 3-1) et le droit au respect de la vie privée (Conv. EDH art. 8) rendent impérative la nécessité de permettre à l’enfant né d’un couple dont l’un de ses membres est transgenre de voir sa filiation doublement établie à l’égard de ses deux parents. La cour constate également que l’évolution législative et notamment la loi du 2 août 2021 démontrent l’absence de trouble à l’ordre public découlant de l’établissement d’une double filiation maternelle hors adoption. Pour rappel, cette loi permet, dans un couple de femmes, à la mère non gestatrice de reconnaître l’enfant à venir de manière anticipée dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation (C. civ. art. 342-11). En l’absence de tout conflit et de toute contradiction entre les filiations des deux parents biologiques, toutes deux de sexe féminin à l’état civil, la filiation maternelle de l’époux homme devenu femme à l’état civil doit donc être judiciairement établie.
A noter :
Le parquet n’ayant pas déposé de pourvoi à notre connaissance, cette solution inédite met un point final à un long combat juridique. Dans son arrêt du 16 septembre 2020, la Cour de cassation considérait que les dispositions du Code civil, alors en vigueur, s’opposaient « à ce que deux filiations maternelles soient établies à l’égard d’un même enfant, hors adoption ». Comme le rappelle justement la cour d’appel de Toulouse, ce n’est désormais plus le cas depuis que la loi bioéthique du 2 août 2021 permet l’établissement d’une double filiation maternelle hors adoption dans le cadre du mécanisme de la reconnaissance conjointe de l’enfant d’un couple de femmes issu d’une PMA. Cette solution prétorienne apaisée permet donc de suppléer aux carences du législateur. On ne peut toutefois qu’espérer que les parlementaires s’empareront rapidement du sujet.