Une société qui exploitait une résidence hôtelière est mise en redressement judiciaire et la cession de son fonds de commerce est ordonnée. Malgré un incendie qui a causé des dégâts matériels dans cette résidence, un acte de cession est signé entre l’administrateur judiciaire et le repreneur. L’assureur auprès duquel la société avait assuré la résidence refuse d’indemniser le repreneur pour la perte d’exploitation subie du fait de la fermeture de l’établissement pendant les travaux (410 000 € environ).
Pour l’assureur, le repreneur ne peut pas invoquer l’article L 121-10 du Code des assurances, en vertu duquel l’assurance continue de plein droit au profit de l’acquéreur, à charge pour celui-ci d'exécuter toutes les obligations dont l'assuré était tenu vis-à-vis de l'assureur en application du contrat. D’une part, la société exploitait les appartements de la résidence qui lui étaient donnés à bail commercial par leurs différents propriétaires et elle n'en était pas propriétaire ; la cession de son fonds de commerce ne constituait donc pas une aliénation du bien assuré, qui seule aurait emporté transfert du contrat d’assurance. D’autre part, le repreneur ne pouvait pas se prévaloir du transfert de l’assurance sans avoir réglé les primes échues depuis la prise d’effet de l’acte de cession.
La Cour de cassation écarte ces deux arguments.
L’article L 121-10, disposition impérative, ne distingue pas selon que le transfert de propriété porte sur un bien mobilier ou immobilier, corporel ou incorporel, ni selon le mode d’aliénation de la chose assurée ; il s’applique en cas de cession d’un fonds de commerce ordonnée lors d’une procédure de redressement judiciaire ; un acte de « cession d’entreprise » ayant été signé, le texte précité avait vocation à s’appliquer et la transmission du contrat d’assurance accessoire à cette cession d’actif s’était effectuée de plein droit.
Par ailleurs, si l’article L 121-10 met à la charge de l’acquéreur de la chose assurée toutes les obligations dont l'assuré était tenu vis-à-vis de l'assureur en vertu du contrat d’assurance, et notamment celle d’acquitter les primes à échoir à compter de l'aliénation, l’exécution de ces obligations n’est pas une condition de la continuation de plein droit de l’assurance au profit de l’acquéreur mais un effet de la transmission active et passive du contrat.
A noter : 1. La Cour de cassation avait déjà admis que le contrat d'assurance garantissant les dommages causés à un bien compris dans le plan de cession est transmis automatiquement avec le bien, l'article L 121-10 ne distinguant pas selon le mode d'aliénation de la chose assurée (Cass. 2e civ. 13-7-2005 n° 03-12.533 FS-PB : RJDA 12/05 n° 1369). La Haute Juridiction assimile ici la cession de l’exploitation de l’immeuble à la cession de l’immeuble lui-même. Elle ne fait pas dépendre le transfert du jugement arrêtant le plan de cession mais de l’acte réalisant la cession. Le transfert intervient aussi lorsque les biens du débiteur sont vendus en dehors d’un plan, sur autorisation du juge-commissaire dans le cadre d’une liquidation judiciaire.
La précision relative au paiement des primes d’assurance est, à notre connaissance, inédite, mais résulte des termes de l’article L 121-10 du Code des assurances. Ce texte fait de ce paiement une conséquence du transfert de l’assurance (« à charge pour l’acquéreur ») et non une condition de celui-ci. La solution vaut aussi pour l’héritier de l’assuré, qui bénéficie du transfert de l’assurance en vertu du même texte.
2. Une fois le contrat d’assurance transféré, l’acquéreur ou l’héritier peut le résilier, tout comme le peut l’assureur, mais ce dernier doit le faire dans un délai de trois mois à compter du jour où l'attributaire définitif des biens assurés a demandé le transfert de la police à son nom (C. ass. art. L 121-10, al. 2).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento de Droit commercial nos 18019 et 63010