Les sujets politiques et religieux doivent-ils être absolument bannis des conversations entre salariés en raison de leur caractère potentiellement conflictuel ? La chambre sociale de la Cour de cassation répond à cette question par la négative. Elle rappelle que, sauf abus, le salarié bénéficie de sa liberté d’expression, dans et hors de l’entreprise.
L’abus s’apprécie notamment au regard de la teneur des propos, de leur degré de diffusion, des fonctions exercées par l’intéressé et de l’activité de l’entreprise.
En l’espèce, un salarié, agent de sécurité, avait envoyé sur le téléphone professionnel de l’un de ses collègues un messageappelant au boycott d’une entreprise qui aurait commercialisé de la viande de porc sous le label « halal ». L’employeur l’avait licencié pour faute grave, lui reprochant dans la lettre de licenciement d’avoir diffusé pendant le temps de travail un message ayant une connotation politique et religieuse.
Une cour d’appel avait reconnu le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse. Selon elle, l’envoi d’un tel message s’apparentant à une chaîne n’était pas tolérable au sein d’une entreprise tenue à une obligation de neutralité, notamment au plan religieux, sujet sensible entre les salariés. Sa diffusion était préjudiciable au fonctionnement normal de l’entreprise.
La Cour de cassation censure cette décision : les motifs de la cour d’appel ne suffisaient pas à caractériser l'abus par le salarié de sa liberté d’expression, au regard de sa tâche d’agent de sécurité et de l’activité de l’entreprise spécialisée dans le même domaine.
Rappelons qu'il a en revanche été jugé que le salarié qui tient des propos injurieux, racistes (CA Montpellier 14 septembre 2011 n° 10-06500) ou fait du prosélytisme (CA Versailles 6 décembre 2012 n° 11-02076) commet une faute justifiant son licenciement.
Dans ce domaine, tout est affaire d'espèce, d'appréciation et de mesure !