Après la mise en liquidation judiciaire du titulaire d'un bail commercial ayant fait l'objet de renouvellements successifs depuis 1983, le juge-commissaire autorise la cession de gré à gré du fonds de commerce du locataire à une société. La cession inclut le droit au bail. Le propriétaire du local demande l'annulation de cette cession, au motif qu'elle contreviendrait à une clause du bail prévoyant que, en cas de cession à une société, l'acte doit contenir l'engagement personnel solidaire de chaque associé ou le cautionnement par chacun du paiement des loyers et charges.
Se pose alors la question du contenu du bail en cours : la clause litigieuse, figurant dans une version du bail commercial datée de 2005, ne figure pas dans le bail en cours renouvelé en 2016, mais ce dernier fait expressément référence au bail de 2005 et prévoit que « les autres clauses, conventions, dispositions, charges et conditions [de ce bail] demeurent inchangées ». Ce renvoi rend-il applicable au bail de 2016 la clause de garantie du bail de 2005, comme le soutient le propriétaire ?
Non, répond la cour d'appel de Paris : la partie intitulée « occupation - jouissance » du bail de 2016 est aussi détaillée que celle de 2005, dans laquelle figurait la clause litigieuse, et couvre les mêmes sujets ; elle est rédigée de manière identique dans les deux baux, à l'exception de trois clauses du bail de 2005 qui envisagent l'hypothèse du locataire personne physique qui « changerait d'état » et deviendrait une personne morale (notamment par cession du fonds à une société), clauses non reprises et remplacées dans le bail de 2016 par trois autres portant sur le garnissement et l'ouverture des lieux loués, la cession du droit au bail et la sous-location. Or, en 2005, le locataire était une personne physique et, en 2016, il était une société, de sorte qu'un lien existe entre les modifications apportées et l'évolution de la situation du locataire.
Ces éléments conduisent ainsi à retenir que la partie « occupation-jouissance » du bail de 2016 s'est entièrement substituée à celle du bail de 2005, de sorte qu'aucune clause n'impose plus de garantie personnelle des associés en cas de cession du bail à une société.
A noter : Le renouvellement d'un bail commercial donne naissance à un nouveau bail, qui n'est pas le prolongement du bail antérieur, même s'il en reprend les stipulations (Cass. 3e civ. 13-5-2009 n° 08-15.564 FS-PB : RJDA 8-9/09 n° 709). Le renouvellement d'un bail s'opère en principe aux clauses et conditions du bail venu à expiration, toutes les clauses étant en principe reconduites (C. civ. art. 1214, al. 2 issu de ord. 2016-131 du 10-2-2016 ; auparavant, jurisprudence constante). Cependant, rien n'empêche les parties d'en convenir autrement : interprétant leur volonté, les juges du fond déterminent alors souverainement le contenu du nouveau contrat.
C'est ce qu'illustre la décision commentée, qui montre que la rédaction d'un contrat par renvoi à un autre contrat peut être cause d'insécurité juridique.
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 5800