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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Social/ Statuts ou régimes particuliers

La poursuite provisoire d’un CDD au-delà de son terme ordonnée en référé !

Pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation admet que lorsqu’un salarié a introduit une demande de requalification de son CDD en CDI, le juge des référés peut ordonner la poursuite du contrat au-delà de son terme, en attendant qu’il soit statué au fond.

Cass. soc. 08-03-2017 n°15-18.560 F-D


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Deux salariés engagés dans le cadre de contrats à durée déterminée de trois mois pour surcroît d’activité avaient, avant le terme de leur contrat, saisi la juridiction prud'homale statuant en référé puis son bureau de jugement, pour obtenir la requalification de leur contrat en CDI et la condamnation de l’employeur à leur verser une indemnité de requalification.

La formation de référé avait, par ordonnance rendue la veille de la date prévue pour le terme des contrats, ordonné la poursuite des contrats de travail.

Selon la cour d’appel la question de la poursuite d’un CDD relève des juges du fond

Pour la cour d’appel saisie de l’affaire, le juge des référés avait par cette décision excédé ses pouvoirs. La juridiction avait en conséquence rejeté la demande des salariés tendant à obtenir la poursuite des relations contractuelles jusqu'à ce qu’il soit statué sur l'instance au fond. Son arrêt est cassé par la Cour de cassation. La discussion portait sur l’application des articles L 1245-2 et R 1455-6 du Code du travail.

Selon le premier texte,  lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine. La cour d’appel en avait déduit que l'appréciation du contrat, sa requalification et sa poursuite sont des questions de fond relevant de la compétence exclusive des juges du fond et échappant au juge des référés.

La cour d’appel avait rejeté l’application de l’article R 1455-6 du Code du travail, aux termes duquel la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent (ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite). Selon elle, le risque de non-renouvellement des contrats à durée déterminée ne peut pas constituer un dommage imminent justifiant la compétence en référé alors que l'existence de ce dommage suppose l'appréciation et l'interprétation des règles de droit régissant le contrat à durée déterminée, ce qui relève du fond de l'affaire.

Pour la Cour de cassation, ordonner la poursuite du contrat assure l’effectivité des droits du salarié

La Cour de cassation juge au contraire que constitue un dommage imminent la perte de l’emploi par l’effet de la survenance du terme, durant  la procédure, du contrat à durée déterminée toujours en cours au moment  où le juge des référés statue. Ce dommage est de nature à priver d’effectivité le droit pour le salarié de demander la requalification d'un CDD irrégulier en contrat à durée indéterminée afin d’obtenir la poursuite de la relation contractuelle avec son employeur.

En effet, en dépit des prescriptions de l’article L 1245-2 du Code du travail, il est rare en pratique qu’un conseil de prud’hommes se prononce dans le mois suivant une demande de requalification du contrat. Sa décision intervient souvent après la fin du contrat, même lorsqu’il a été saisi avant. Or, dans un tel cas, même si les juges requalifient le contrat en contrat à durée indéterminée, le salarié ayant quitté l’entreprise ne peut pas demander sa réintégration, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale (Cass. soc. 30-10-2013 n° 12-21.205 F-D : RJS 3/14 n° 282). En ce sens, le droit du salarié de demander la requalification de son contrat est privée d’effectivité.

A noter : l’employeur, qui n’a plus fourni de travail et n’a plus payé les salaires, est cependant responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement. Mais celui-ci ouvre seulement droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture.

Si une décision de poursuite de son contrat de travail est prise en référé, le salarié, ayant été maintenu dans les effectifs de l’entreprise, pourra, si sa demande de requalification de son contrat aboutit, rester dans l’entreprise sans avoir à demander sa réintégration. L’effectivité de son droit sera en conséquence assurée.

A noter : l’arrêt a été rendu en formation restreinte, et il n'est pas publié. On attendra donc avec intérêt la confirmation de cette solution. Celle-ci était cependant déjà présente en filigrane dans un arrêt du 16 mars 2016. La Haute cour, statuant comme dans la présente affaire au visa notamment de l’article 6, § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avait jugé qu'une cour d'appel ne peut pas débouter un salarié de la demande d'annulation de son licenciement sans rechercher si l'employeur avait utilisé son pouvoir de licencier en rétorsion à l'action en justice de l'intéressé, visant à obtenir la requalification de son contrat, alors qu'elle a relevé que l'employeur l'avait licencié sans respecter l'ordonnance de référé prescrivant la poursuite du contrat de travail jusqu'à l'intervention de la décision au fond du conseil de prud'hommes (Cass. soc. 16-3-2016 n° 14-23.589 : RJS 5/16 n° 311).

La solution retenue pallie les différences liées à la date de notification de la décision de requalification

Une décision ordonnant la requalification d'un CDD en CDI est exécutoire par provision (C. trav. art. R 1245-1). Lorsqu'une telle décision est notifiée avant le terme du contrat, l’employeur doit en principe conserver le salarié à son service au-delà du terme initialement prévu au contrat.

Ainsi, la rupture du contrat de travail au motif de l'arrivée du terme est nulle, car l'exécution d'un jugement ou d'un arrêt doit être considéré comme faisant partie intégrante du procès équitable (Cass. soc. 2-3-2016 n° 14-15.603 F-D : RJS 5/16 n° 404). Conséquence de cette nullité, le salarié peut demander sa réintégration dans l’entreprise.

Le salarié ayant introduit une demande de requalification avant le terme prévu à son contrat est en conséquence dans une situation différente selon que la décision de requalification est notifiée avant ou après cette date.  En permettant au salarié d’agir devant la formation en référé du conseil de prud’hommes pour demander la poursuite de son contrat dans l’attente de la décision au fond, l’arrêt du 8 mars remédie partiellement  à cette différence.

Quel statut pour le salarié dans l’attente de la décision au fond ?

On peut s’interroger sur la situation du salarié pendant la poursuite de son contrat au-delà du terme initialement prévu. Il est acquis qu’il reste dans les effectifs de l’entreprise.

Mais l’ordonnance de référé, revêtant l'autorité de chose jugée au provisoire dès son prononcé, et s’imposant donc à l’employeur, implique-t-elle aussi la poursuite du contrat aux mêmes conditions ? Induit-elle l’obligation pour l’employeur de fournir du travail au salarié et de le rémunérer ?

Ou ce dernier peut-il, dès lors qu'il soutient que le contrat à durée déterminée a pris fin, dispenser le salarié d’activité et, le cas échéant, ne pas le rémunérer ? Peut-on envisager que le contrat soit maintenu mais suspendu, sans travail ni rémunération, jusqu’à la décision au fond ?

On attend avec intérêt une nouvelle décision de la Cour suprême permettant de répondre à ces questions.

Claire MAUGIN

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Social nos 20320 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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