Un homme décède en Espagne le 5 mai 2017, laissant un fils et une fille. Le règlement de la succession a lieu devant un notaire espagnol, conformément au droit espagnol. Afin de prouver leur qualité d'héritier et d'obtenir la restitution d'une somme d'argent et de titres mis en dépôt judiciaire par une banque autrichienne, les enfants présentent une copie certifiée d'un certificat successoral européen (CSE) délivrée par le notaire espagnol à la demande du fils. Contrairement aux dispositions du règlement UE 650/2012 du 4 juillet 2012 sur les successions, qui prévoient qu'une copie certifiée conforme de CSE a une durée de validité de six mois, le document remis par le notaire mentionne une durée de validité illimitée.
La demande en restitution des héritiers est rejetée par les juridictions autrichiennes tant en première instance qu'en appel. L'affaire étant portée devant la Cour suprême d'Autriche, celle-ci pose plusieurs questions préjudicielles à la CJUE concernant la validité de la copie produite et la détermination des personnes bénéficiant des effets du certificat.
Ce qui permet à la juridiction européenne d'apporter les précisions suivantes :
- une copie certifiée conforme du CSE portant la mention « durée illimitée » est valable pour une durée de six mois à partir de la date de sa délivrance et produit ses effets si elle était valable lors de sa présentation initiale à l'autorité compétente. Parmi les différents arguments avancés pour justifier le second point, on retiendra celui-ci : si la validité de la copie était exigée à la date de l'adoption de la décision sollicitée ou pendant la procédure judiciaire la concernant (et non à la date de présentation de la demande), les héritiers et autres ayants droit à la succession devraient, le cas échéant, demander et présenter à plusieurs reprises une telle copie. Pareille interprétation engendrerait des retards, des démarches et des efforts supplémentaires, ce qui serait contraire à l'objectif du règlement ;
- le CSE produit des effets à l'égard de toutes les personnes qui y sont nommément citées, même si elles n'en ont pas demandé elles-mêmes la délivrance. À l'appui de cette solution, la Cour de justice retient notamment que l'autorité émettrice, qui conserve l'original du certificat, délivre une ou plusieurs copies certifiées conformes au demandeur et à toute personne justifiant d'un intérêt légitime (Règl. 650/2012 art. 70 § 1). Une obligation imposant que la personne qui se prévaut de la copie certifiée soit impérativement celle qui a demandé le certificat initialement serait donc contraire au libellé même de cet article.
A noter :
Rappelons que le règlement 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, est applicable aux successions ouvertes depuis le 17 août 2015 (Règl. 650/2012 art. 83 § 1), ce qui était le cas en l'espèce.
L’objet du CSE est de permettre aux héritiers et légataires de prouver dans un autre État membre leur qualité et la quote-part qui leur revient dans la succession ainsi que l'attribution à leur profit d'un ou plusieurs biens déterminés faisant partie de la succession. Il doit également permettre aux exécuteurs testamentaires ou administrateurs de prouver leurs pouvoirs dans un autre État membre (Règl. 650/2012 art. 63). C'est une sorte de « super acte de notoriété » (R. Crône, Le certificat successoral européen, « super acte de notoriété » des successions transfrontalières : Sol. Not. 10/12 inf. 265).
Les effets importants reconnus au CSE justifieraient la limitation de la durée de validité des copies certifiées conformes, d'autant plus que la liquidation d'une succession peut révéler au fur et à mesure de nouveaux éléments (A. Bonomi et P. Wautelet : Le droit européen des successions, Bruylant 2e éd. 2016, p. 910 no 14). Cette limitation de la validité peut être une raison de déposer une demande de certificat national dans l'État membre où sont situés des éléments de la succession, le recours au CSE n'étant pas obligatoire comme le précise le règlement (Commentaire du règlement européen sur les successions, v. Certificat successoral européen par B. Reinhartz, éd. Dalloz 2015, p. 260 no 13).