Après plus de 18 mois de concertation, le Haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye a remis le 18 juillet ses préconisations au Premier ministre. Son rapport, dont nous présentons ci-après les principaux axes, devrait servir de fondement au futur projet de loi qui pourrait être présenté en conseil des ministres à l’automne et examiné par le Parlement après les municipales de mars 2020.
Un système par points se substituerait au régime actuel
Il est proposé de faire basculer l’actuel système de retraite « en annuités » vers un système par points.
Un euro cotisé ouvrirait les mêmes droits pour tous
Les 42 régimes actuels fusionneraient en un régime universel dans lequel chaque euro cotisé tout au long de la carrière ouvrirait les mêmes droits pour chacun, quels que soient le statut (salarié, fonctionnaire ou indépendant) et le moment de la carrière où il aurait été cotisé. 10 euros cotisés devraient ouvrir droit à 1 point.
La valeur du point pourrait être fixée à 0,55. Pour 100 euros cotisés pendant sa carrière, un retraité percevrait donc 5,50 euros par an pendant toute sa retraite.
Chaque salarié pourrait s’informer du nombre de points accumulés au cours de sa carrière en consultant son compte unique de retraite.
Chaque euro cotisé serait pris en compte
Dans le régime actuel certaines heures travaillées ne sont pas comptabilisées lorsqu’elles ne permettent pas de totaliser 150 heures pour valider un trimestre. Demain, le système par points permettrait de prendre en compte chaque heure travaillée, dans une limite qu’il est proposé de fixer à 3 plafonds de la sécurité sociale soit jusqu’à 121 572 € en 2019.
Exemple : Un étudiant ayant travaillé 100 heures au cours d’une année ne pourrait pas, dans le système actuel, comptabiliser ces heures pour la retraite car elles ne lui permettent pas de valider un trimestre. Avec le système par points, il aurait acquis 25,4 points qui ouvriraient droit à 14 € (25,4 x 0,55) annuels pour sa future retraite.
La valeur du point serait indexée sur les salaires
Le rapport précise que la valeur du point ne pourra pas baisser dans le temps. Un Fonds de réserve universel permettrait de garantir sa valeur face aux aléas démographiques et économiques. Jean-Paul Delevoye préconise une indexation de la valeur du point sur l'évolution des salaires. En revanche, une fois les points transformés en retraite, les pensions resteraient revalorisées en fonction de l’inflation comme actuellement.
Un taux unique de cotisation applicable
Le rapport préconise de soumettre les salariés du privé, des régimes spéciaux et du public au même taux de cotisation fixé à 28,12 %, partagé entre l’employeur (60 %) et le salarié (40 %).
Ce taux de 28,12 % se décomposerait en 2 cotisations :
– Une cotisation plafonnée de 25,34 % qui s’appliquerait à toute la rémunération jusqu’à 3 plafonds annuels de la sécurité sociale soit 121 572 € en 2019. C’est à partir de ces montants de cotisations versées que seraient calculés les droits à la retraite.
– Une cotisation déplafonnée de 2,81 % qui s’appliquerait à la totalité des rémunérations perçues sans limitation et qui participerait au financement mutualisé et solidaire.
Des cotisations spécifiques pour les travailleurs non-salariés
Pour les indépendants, le taux de cotisation proposé serait de :
– 28,12 % pour la tranche de revenus jusqu’à un plafond annuel de sécurité sociale soit 40 524 € en 2019 ;
– 12,94 % pour la tranche de revenus compris entre un plafond annuel de sécurité sociale et 3 plafonds annuels de sécurité sociale soit entre 40 524 et 121 572 € annuels en 2019 ;
– 2,81 % soit la cotisation déplafonnée pour la tranche de revenus au-delà de 3 plafonds annuels de sécurité sociale ;
Pour compenser la hausse des cotisations, il est proposé de rapprocher l’assiette sociale des travailleurs non-salariés de celle des salariés afin de mettre un terme à la surpondération de la CSG (elle est aujourd’hui calculée sur une assiette plus large que celle des salariés puisque les cotisations sociales dues y sont intégrées).
Pour les professions libérales, le rapport propose de mettre en place une convergence progressive des barèmes de cotisations pour atteindre un barème cible en 15 ans.
Pour les avocats, le rapport précise que des mécanismes de soutien internes à la profession pourront être prévus pour conserver la logique de solidarité et de redistribution qui leur est propre.
Le rapporteur s’interroge aussi les dispositifs de réduction de taux de cotisations retraite actuellement applicables par exemple aux artistes auteurs, aux artistes du spectacle et aux journalistes. Ces réductions de taux n’ont aujourd’hui aucun impact sur les droits à retraite puisque ces derniers dépendent de l’assiette cotisée et non du taux applicable. La mise en place du système universel induisant le passage à une règle de calcul fondée sur le montant des cotisations versées aura un impact négatif sur l’acquisition des droits à retraite. Selon Jean-Paul Delevoye, la question se pose donc du maintien de ces avantages spécifiques via une prise en charge par le budget de l’Etat.
Une entrée en vigueur en 2025
Le régime universel devrait en principe entrer en vigueur en 2025. Il devrait concerner les travailleurs nés à partir de l’année 1963. Il est toutefois précisé que d’autres options sont possibles et seront soumises à la concertation. Les actifs qui sont actuellement à moins de 5 ans de la retraite ne devraient, en tout état de cause, pas être visés par la réforme.
Un âge d’équilibre serait instauré afin d’inciter aux départs après 62 ans
L'âge légal de départ resterait fixé à 62 ans, conformément aux engagements du Président Emmanuel Macron mais il est proposé d’instaurer un âge dit « âge d’équilibre » à partir duquel la retraite serait servie à taux plein. En cas de départ avant cet âge pivot qui pourrait être fixé à 64 ans serait appliquée une décote qui pourrait correspondre à 5 % par an. A l’inverse, en cas de prolongation d’activité au-delà de 64 ans, la pension ferait l’objet d’une surcote qui pourrait être de 5 % par an.
Selon le rapport, l’âge du taux plein devrait évoluer comme l’espérance de vie.
Exemple : Pour un travailleur dont la pension s’élèverait à 1 375 € par mois en cas de départ à 64 ans, celle-ci tomberait à 1 306 € en cas de départ à 63 ans et à 1 237 € en cas de cessation d’activité à 62 ans. En revanche, elle serait de 1 444 € pour un départ à 65 ans et de 1 512 € en cas de poursuite d’activité jusqu’à 66 ans.
Des départs anticipés resteraient possibles en cas de carrière longue comme aujourd’hui. Les critères pour le bénéfice de ce dispositif ne seraient pas modifiés. Les règles de calcul de la durée pour les périodes postérieures à l’entrée en vigueur du système universel seraient calées sur celles du minimum de retraite. Toutefois afin que les assurés concernés par ce dispositif ne soient pas pénalisés par l’anticipation de leur départ en retraite, celle-ci serait calculée dans les mêmes conditions que celles s’appliquant aux assurés partant la même année mais à un âge de départ augmenté de 4 années.
Il est aussi préconisé d’améliorer le dispositif de carrières longues propre aux travailleurs handicapés.
Serait également maintenu le compte professionnel de prévention qui prend en compte la pénibilité et permet d’acquérir jusqu’à 2 ans de départ anticipé à la suite de l’exposition à certains risques professionnels.
Des mesures de solidarité sont proposées
Des droits en cas d’inactivité subie et d’altruisme
Des « points de solidarité » seraient accordés pour les périodes de chômage indemnisé, maternité, invalidité et maladie qui auraient la même valeur que ceux attribués au titre de l'activité. Des points de solidarité devraient aussi être attribués aux proches aidants.
Une majoration de retraite pour les travailleurs handicapés
Afin de compenser les incidences du handicap sur l’activité des assurés concernés, des points supplémentaires seraient attribués comme actuellement lors du départ en retraite, sous la forme d’une majoration de retraite calculée selon la durée de travail en situation de handicap.
Une majoration de 5 % par enfant dès le premier
Il est proposé de majorer les droits à la retraite de 5 % par enfant dès la première naissance. Cette majoration des points acquis pourrait être partagée entre les deux parents. A défaut, elle sera attribuée à la mère. Dans le système actuel, la bonification pour enfant est réservée aux parents de 3 enfants et plus et est figée à 10 %.
Exemple : Un couple ayant 5 enfants pourrait dans le système par point bénéficier d’une majoration de 25 % que les parents pourraient se répartir entre eux.
Un minimum de retraite porté à 85 % du Smic net
Il est préconisé de porter le montant minimal de la pension à 85 % du Smic net soit environ 1 000 euros (il est aujourd’hui de 81 % pour les salariés et 75 % pour les agriculteurs). Rappelons que le minimum vieillesse est, lui, de 868,20 € par mois et atteindra 900 € par mois en janvier 2020.
Il est proposé d’accorder le bénéfice du minimum de retraite dès l’âge du taux plein de sa génération (soit 64 ans pour la génération 1963 selon les préconisations du rapport). Il ne serait donc plus nécessaire d’atteindre l’âge d’annulation de la décote (67 ans aujourd’hui) pour bénéficier de cette solidarité.
Un dispositif unique de réversion
Il est suggéré de remplacer les 13 dispositifs existants de réversion par un système unique qui assurerait un maintien du niveau de vie à hauteur de 70 % du total des retraites perçues par le couple avant le décès du conjoint (contre 54 % actuellement pour le régime général).
Le dispositif de cumul emploi-retraite serait plus attractif
Selon le rapport, les personnes ayant fait liquider leur retraite pourraient reprendre une activité sans être soumises à un plafond ou à une limite à compter de l’âge du taux plein. Il est aussi préconisé que cette reprise d’activité leur permette à l’avenir de se constituer de nouveaux droits à retraite ce qui n’est pas possible dans le système actuel.
Audrey FOURNIS
Pour en savoir plus sur le régime actuel de retraite des salariés : voir Mémento Social nos 67500 s.